C’est simplement trouver des rapports, établir des relations stables entre des faits qui passent, dégager des lois : opération d’autant plus parfaite que la relation est plus précise et la loi plus mathématique. […] Mais vous n’avez pas le droit de la désarticuler selon une autre loi, ni de la supposer articulée d’une autre manière. […] La mathématique universelle, c’est ce que devient le monde des Idées quand on suppose que l’Idée consiste dans une relation ou dans une loi, et non plus dans une chose. […] Contre cette conception des faits et des lois, l’œuvre entière de Claude Bernard proteste. […] Une affirmation telle que « la chaleur dilate les corps » serait une loi qui gouverne les faits, qui trône, sinon au-dessus d’eux, du moins au milieu d’eux, une loi véritablement contenue dans notre expérience et que nous nous bornerions à en extraire.
C’est bien Alfred de Vigny dans un salon, à vingt-cinq ans ; le poète s’adresse en idée aux belles danseuses : Dansez, et couronnez de fleurs vos fronts d’albâtre Liez au blanc muguet l’hyacinthe bleuâtre, Et que vos pas moelleux, délices de l’amant, Sur le chêne poli glissent légèrement ; Dansez, car dès demain vos mères exigeantes A vos jeunes travaux vous diront négligentes ; L’aiguille détestée aura fui de vos doigts, Ou, de la mélodie interrompant les lois, Sur l’instrument mobile, harmonieux ivoire, Vos mains auront perdu la touche blanche et noire ; Demain, sous l’humble habit du jour laborieux, Un livre, sans plaisir, fatiguera vos yeux… Que ceux qui tiennent à étudier les nuances poétiques et les progressions fugitives du goût relisent tout le morceau ; ils y verront, dans le plus gracieux exemple, cette poésie choisie, élégante, mais de transition, qui cherchait à s’insinuer dans la vie, dans les sentiments et les mœurs du jour, en évitant toutefois le mot propre : poésie des Soumet, des Pichald, des Guiraud, de ceux qui louvoyaient encore. […] On aurait dit d’une loi cachée qui avait ses intermittences et ses échelons. […] Les filles du Destin se croient dépossédées du coup et vaincues ; elles remontent au ciel pour y prendre le nouveau mot d’ordre et demander la loi de l’avenir ; mais elles redescendent bientôt sous un nouveau titre : la Grâce les renvoie et les autorise de nouveau. […] Les Destinées, moyennant détour, ressaisissent donc leur empire, et il reste douteux que, même sous la loi de grâce, l’homme soit plus libre et plus maître de soi qu’auparavant : Oh !