Ils parlent des choses et des livres comme les connaissant. […] Doué d’une grande facilité de travail, d’une vaste mémoire, en possession des langues anciennes et de la plupart des langues modernes, il lit les auteurs et les livres d’un bout à l’autre ; il s’instruit en les contrôlant ; il est impartial pour ceux mêmes envers qui il se montre sévère. […] Les divers articles que M. de Broglie a fournis vers ce moment à la Revue française, et qui sont des morceaux du plus grand mérite, sont tous inspirés ou dominés par un sentiment de cette nature, soit qu’examinant le livre de M. […] Quoi qu’il en soit, les articles de M. de Broglie dans la Revue française, surtout les trois articles que j’ai indiqués, à propos du livre de M.
Mme Necker s’était formé une idée des auteurs et des gens d’esprit de Paris uniquement par les livres, et elle vit que le monde où elle avait à se gouverner était bien autrement divers, varié et plein de nuances : « En arrivant dans ce pays-ci, dit-elle, je croyais que les lettres étaient la clef de tout, qu’un homme ne cultivait son esprit que par les livres, et n’était grand que par le savoir. » Mais le genre de conversation qui s’accommodait avec cette idée n’était guère de mise que dans le tête-à-tête, et elle ne tarda pas à s’apercevoir de sa méprise : Je n’avais pas un mot à dire dans le monde, ajoute-t-elle ; j’en ignorais même la langue. […] Forte de son exemple, des vertus et de la religion de toute sa vie, elle vient plaider pour l’indissolubilité du mariage ; elle ne conçoit pas qu’on livre ainsi une institution fondamentale à la merci des caprices humains et des attraits : Car le premier attrait de la jeunesse n’est, dit-elle, qu’un premier lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées jusqu’à ce qu’ayant pris racine l’une à côté de l’autre, elles ne vivent plus que de la même substance. — Dans l’âge mûr, pense-t-elle délicatement, la femme qui doit plaire le plus est celle qui nous a consacré sa jeunesse. […] Mais ces défauts se rachètent ici plus aisément qu’ailleurs : le sujet l’inspire ; c’est élevé, c’est ingénieux ; et quand elle en vient à la considération du mariage dans la vieillesse, à ce dernier but de consolation et quelquefois encore de bonheur dans cet âge déshérité, elle a de belles et fortes paroles : « Le bonheur ou le malheur de la vieillesse n’est souvent que l’extrait de notre vie passée. » Et montrant, d’après son expérience de cœur et son idéal, le dernier bonheur de deux époux Qui s’aiment jusqu’au bout malgré l’effort des ans, elle nous trace l’image et nous livre le secret de sa propre destinée ; il faut lire toute cette page vraiment charmante : Deux époux attachés l’un à l’autre marquent les époques de leur longue vie par des gages de vertus et d’affections mutuelles ; ils se fortifient du temps passé, et s’en font un rempart contre les attaques du temps présent.