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592. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Avant d’écrire sur elle un article à la Revue de Paris, il désira savoir quelques détails de son passé, de ses prédilections littéraires, de ce qu’il appelait l’éducation de sa pensée et la formation de son talent. […] « … Mme Tastu, modèle des femmes, qui a été assez bonne pour pénétrer quelquefois dans ma vie obscure, ne vous a-t-elle pas dit, monsieur, à quel point je suis demeurée étrangère, par ma vie errante et retirée tout ensemble, à toute relation littéraire, aux publications brillantes dont je n’ai pu faire mes études ni mes délices ? […] Je ne vois âme qui vive de ce monde littéraire qui forme le goût, qui épure le langage. […] Juge s’il est dans ce silence profond des haines politiques et littéraires. […] Sainte-Beuve un vaillant compagnon , et l’auteur de la lettre que nous achevons de reproduire, un ouvrier littéraire lui aussi, avait raison de conclure en disant : « Ce que vous nous donnez depuis votre maladie, mon cher maître, est d’un bon exemple.

593. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

La France littéraire n’a pas deux pages aussi enivrées. […] Le raisonnement s’introduisait dans les croyances, et le poëme épique disparaissait de nos habitudes littéraires. […] Milton seul, avec son poëme du Paradis perdu, exploita l’ancienne poésie religieuse, et encore ce fut le poëme littéraire plus que le poëme religieux. […] Le poëme épique littéraire pouvait peut-être prolonger un moment l’illusion de son existence par quelque chef-d’œuvre de langue, que les hommes, comme les Romains du temps d’Auguste, liraient comme ils lurent Virgile, sans croire à ses miracles, mais en croyant à son génie ; mais, pour cela, il fallait que l’ouvrage fût écrit en vers, et en vers tellement inimitables que la perfection de la forme fît oublier l’imperfection du sujet. […] Les lignes ébauchées dans Atala et dans René sont, dès le premier jour, une révolution littéraire.

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