Et vous avez eu le courage de lire tout cela ? […] Elle ne l’a reçue qu’après sa mort, de la foule qui se pressait dans les églises pour l’entendre lire. […] Et on les lisait en guise de prêche ! […] Les descriptions de l’autre vie abondaient dans une multitude d’ouvrages qu’on lisait avidement. […] Pour s’affermir dans sa résolution, il se faisait lire Platon, le divin.
Nous n’étions pas assez riches pour nous les donner, mais de temps en temps il nous en tombait quelques volumes dans les mains, et c’est alors qu’un voyageur, passant par Renève, auprès de Mirebeau, dans la Côte-d’Or, voyant notre enthousiasme, nous en laissa un volume intitulé : les Confidences, où nous lûmes toutes sortes de détails sur votre famille, et votre histoire si touchante de Graziella que ces demoiselles savent par cœur. […] — Monsieur, me dit-elle, tout le monde vous connaît dans ce pays-ci ; nous l’aurions demandé aux pierres qu’elles nous l’auraient dit ; d’ailleurs, Aglaé se souvenait du nom de Bussières, de votre ami dans votre enfance, ce pauvre abbé Dumont, sur qui, dit-on, vous avez pris le modèle de Jocelyn, un de vos poëmes que nous n’avons pas lu, mais dont on nous a souvent parlé. […] Nous nous précipitâmes vers l’endroit qu’il nous indiquait, nous tombâmes à genoux devant la pierre de taille et nous lûmes l’épitaphe en deux mots du pauvre curé et plus bas deux autres mots en petites lettres gravées : Alphonse de Lamartine à son ami. […] Nous y restâmes ensuite un moment pour sécher nos yeux après avoir lu les dates, les lettres et les mots gravés avec la pointe d’un couteau sur le bois et sur les troncs des arbres. […] Nous comprîmes par les descriptions que nous avons lues, que c’était l’endroit où votre mère, votre fille ramenée de Palestine, votre compagne enfin de cette vie, avaient été ensevelies et où le sentimental sculpteur Salomon avait élevé lui-même cette statue funéraire qui fait pleurer ceux qui la voient et qui fait sourire ceux qui espèrent.