Sans soucis politiques désormais, conservant ce qu’ils pensaient être la vérité religieuse pour aliment de leur vie, faisant s’épanouir leurs facultés naturelles au souffle de ce qui leur avait été laissé de liberté, ils laissèrent la paix descendre sur eux et les envelopper. […] Après la Révocation, ce mortel coup de hache porté à l’arbre de leur liberté, malgré la défense, ils suivirent en foule vers l’exil, leurs chefs spirituels bannis. […] Science signifie avant tout : impartialité, liberté, méthode dans la recherche du vrai. […] Aucun péril ne les rebuta, et ce qui les soutint dans la pire détresse, ce fut la volonté invincible d’échapper aux bourreaux de Louis XIV, et de vivre librement leur vie sur une terre de liberté. […] Vast, Histoire de l’Europe) Il est évident que la majorité des protestants ne demandaient qu’une chose, la liberté de conscience, mais il est aussi indéniable qu’ils avaient le droit et, le devoir de défendre, en même temps que leur foi religieuse, leur foi politique, et que cette défense entraînait la lutte sur tous les terrains.
« Il arrivera que les peuples, les vrais peuples, ceux qui ont l’orgueil de leur indépendance, la vertu de leur patriotisme, le zèle sacré de leur famille, de leur propriété, de leur gouvernement, monarchie ou république, commenceront à s’étonner, puis à s’alarmer, puis à s’irriter de cette invasion de la France, et à se demander si la liberté apportée à la pointe des baïonnettes ou des piques étrangères est bien la liberté ou la servitude. « Ce million d’apôtres armés vomis par la république française leur paraîtront une insulte plus qu’un secours à leur patrie ; le patriotisme éternel se révoltera contre la propagande révolutionnaire ; ils se rangeront autour de leurs gouvernements, un moment abandonnés, pour défendre le pays, le foyer, l’honneur national, en ajournant une liberté conquérante, flétrissante ; les armées refréneront les populaces, elles s’entrechoqueront bientôt avec les envahisseurs français ; victoire ici, défaite là, mêlée partout ; coalition certaine des peuples et des rois contre ce débordement des baïonnettes françaises ; refoulement inévitable de la France sur toute la ligne. […] Enivrement si on est vainqueur, et proclamation du premier général populaire et victorieux comme dictateur de la république, c’est-à-dire recommencement d’un Napoléon de génie ou sans génie, et destruction de la liberté dans son propre foyer. Si, au contraire, on est vaincu, démoralisation générale, mesures de terreur pour arracher l’or et le sang dévorés par la guerre universelle, résistance du peuple à livrer son or et ses enfants, accusations de trahison, spoliations, emprisonnements, échafauds, fin de la terreur par l’horreur du monde, ajournement à un autre siècle de la liberté. […] Le peuple, il faut le reconnaître, fut aussi éclairé que le gouvernement ; les partis même, et les plus exaltés, applaudirent à cette répudiation de la guerre pour la guerre ; l’esprit de liberté étouffa l’esprit de conquête.