D’abord elle joue un rôle moins important qu’en France dans la vie intellectuelle, qui s’exprime tout aussi aisément dans les arts plastiques et dans la musique ; elle est concurrencée aussi par une autre littérature, en langue latine, et fortement soumise aux formes, aux traditions des littératures classiques ; la forme l’emporte souvent sur le fond, d’autant plus que la liberté de l’expression est souvent limitée. […] La seule pièce intéressante, l’Eccerinus de Mussato, est en latin. […] Il est encore en partie tourné vers le moyen âge ; son œuvre est à moitié latine et ascétique ; mais son geste montre l’aurore et répond si bien à l’esprit de son peuple, qu’en 1341 un maître d’école aveugle suit ses traces de ville en ville, pour le rejoindre enfin et baiser la main du génie libérateur. […] Laissons de côté tous les poetæ minores, pour en arriver à ce fait capital, qui ne pouvait se produire qu’en Italie : une littérature en langue latine accaparant brusquement les meilleurs esprits, et interrompant pendant presque un siècle l’évolution de la littérature en langue italienne. […] J’y insiste : le principe féodal et théocratique de la première ère ne s’est réalisé en Italie que d’une façon très incomplète ; son évolution a été contrariée par l’anarchie politique, par la survivance de l’idée latine dans les communi, et par un paganisme indestructible.
Ce fut là où Ronsard prit un goût si intrépide pour les Auteurs Grecs & Latins. […] Non seulement Dorat peut être regardé comme le Pere commun des Poëtes de son temps ; il fut encore Poëte lui-même, & bon Poëte, si l’on en juge par quelques-uns de ses Vers Grecs & Latins qui le firent surnommer par ses contemporains, le Pindare Moderne ; car alors on ne louoit que par comparaison. On a de lui des Odes latines, qui justifient, sinon l’excès de cette louange, du moins la justice de l’estime qu’on avoit pour lui.