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970. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Ainsi le parti de l’erreur se grossit tous les jours de ceux mêmes qui l’ont reconnuë ; tout désabusés qu’ils sont, ils tiennent le même langage que ceux qui sont encore trompés ; et ils deviennent eux-mêmes une nouvelle autorité pour en abuser d’autres. […] N’y a-t-il qu’un langage pour les rois et pour le peuple ? […] Quoique cette comparaison ne soit pas choquante, comme beaucoup d’autres répanduës dans les discours de l’iliade, j’ai cru devoir la relever, pour faire sentir qu’Homere ne contraste pas assez le style de son propre recit, et celui des discours de ses acteurs : ce qui me paroît cependant indispensable, puisque les poëtes se disant inspirés par les muses, doivent avoir un langage particulier ; au lieu que les personnages étant des hommes ordinaires, doivent parler naturellement, selon leur caractére et leur situation. […] Il n’y a jamais eu d’ouvrage fait pour plaire, qui se soit soutenu long-temps sans une beauté d’expression convenable à la matiere ; et quoique les ouvrages dogmatiques puissent s’en passer, puisque l’auteur ne s’y propose que d’instruire, et que le lecteur ne doit s’y proposer que d’apprendre, on ne laisse pas de regretter encore l’agrément du langage, quand il y manque. […] Il a saisi par une supériorité de goût, les premieres idées de l’éloquence dans tous les genres ; il a parlé le langage de toutes les passions, et il a du moins ouvert aux écrivains qui doivent le suivre, une infinité de routes qu’il ne restoit plus qu’à applanir.

971. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Je n’invoquerai pas les lois contre cette insulte aux classes, mais j’opposerai à ces injures chevaleresques le langage de ma raison bourgeoise et écolière. — Oui, dirai-je à M. de Montlosier, nous avons des prétentions comme vous : c’est l’orgueil qui, chez nous, demande l’égalité, et qui, chez vous, la refuse ; mais entre ces deux orgueils, lequel est coupable, de celui qui demande le droit commun, ou de celui qui le conteste ? […] Mignet qui, le premier, a dégagé expressément les conclusions ; mais je me hâte d’ajouter que ce genre de reproche s’adresserait aussi bien à tout historien ou philosophe de l’ordre providentiel, à De Maistre par exemple, et qu’il pourrait remonter tant soit peu jusqu’à Bossuet. « Ceci a été, donc ceci a dû être, et il a fallu nécessairement tout ce mal pour enfanter ce bien ; » ce ne sont pas seulement des fatalistes qui tiennent ce langage, et M. […] Le style de Laplace dans l’Exposition du système du monde, de Napoléon dans ses Mémoires, voilà les modèles du langage simple et réflechi propre à notre âge. » Et il finit par risquer ce mot qui, depuis, a tant fait fortune : « Napoléon est le plus grand homme de son siècle, on en convient ; mais il en est aussi le plus grand écrivain. » Il faudrait bien de la pédanterie pour venir contester, contrôler un jugement si piquant. si vrai même, à l’entendre d’une certaine manière.

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