Elle avait une liberté de langage qui n’était pas toujours tournée contre la France et contre son glorieux chef ; elle disait un jour à notre ambassadeur, à la date d’avril 1803 : « Assurément, il me serait pardonnable de ne pas aimer Bonaparte ; eh bien ! […] Quand vous lui écrirez, dites-lui que je ne me lasse pas d’admirer l’adresse avec laquelle il a su profiter d’un temps où, Frédéric et Catherine ayant disparu du théâtre des affaires du monde, il n’y a plus sur tous les trônes de l’Europe que des imbéciles. » Mais la veille ou le lendemain le vent tourne, le langage change, le naturel reparaît ; et vers ce même temps, apprenant le meurtre du duc d’Enghien, elle disait avec la même liberté de propos : « Ce pauvre diable était le seul des princes français qui eût de l’élévation et du courage.
Trompés par le langage et par l’habitude, nous admettons qu’il y a là une chose réelle, et, réfléchissant à faux, nous agrandissons à chaque pas notre erreur. — En premier lieu, l’être en question étant un pur néant, nous ne pouvons rien y trouver que le vide ; c’est pourquoi, par une illusion dont nous avons déjà vu des exemples163, nous en faisons une pure essence, inétendue, incorporelle, bref spirituelle164 […] Ne prenons ces métaphores que pour ce qu’elles valent, c’est-à-dire pour des locutions qui traduisent en langage ordinaire les faits positifs que nous constatons.