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524. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Écoutons l’histoire : « Chaque assemblée quinquennale redoublait, au moment du vote du don gratuit, d’instances pour la destruction de l’hérésie : « Nous ne demandons pas, Sire, disaient les évêques, que votre Majesté bannisse à présent de son royaume cette malheureuse liberté de conscience, qui détruit la véritable liberté des enfants de Dieu, parce que nous ne jugeons pas que l’exécution en soit facile ; mais nous souhaitons que si votre autorité ne peut étouffer tout d’un coup ce mal, elle le rende languissant et le faire périr peu à peu73 » Sous ce langage patelin, ne reconnaissons-nous pas ce fait positif, que l’épiscopat n’accordait au roi l’argent dont il avait besoin pour entretenir sa valetaille, que contre une promesse formelle de persécution 74 ?‌ […] Dieu seul a pu faire cette merveille : Roi du ciel, conservez le roi de la terre : c’est le vœu des‌ Églises ; c’est le vœu des Évêques »… Quand le sage chancelier reçut l’ordre de dresser ce pieux édit qui donne le dernier coup à l’hérésie, il avait déjà ressenti l’atteinte de la maladie dont il est mort… Et il dit en scellant la révocation du fameux édit de Nantes, qu’après ce triomphe de la foi et un si beau monument de la piété du roi, il ne se souciait plus de finir ses jours… »‌ Page mémorable, chef-d’œuvre du langage dévot, monument de rhétorique stupéfiante ! […] Écoutez plutôt : « L’autorité royale est absolue… Les princes sont des espèces de dieux, suivant le langage de l’Écriture, et participent eu quelque façon à l’indépendance divine… Au caractère royal est inhérente une sainteté qui ne peut être effacée par aucun crime, même chez les princes infidèles… » Bossuet en déifiant le prince, quelqu’il soit et de quelque manière qu’il ait été établi, en le marquant d’un caractère de sainteté qu’aucun forfait ne peut effacer, n’est plus qu’un adorateur du fait brutal, de la force pure, et il rétrograde ainsi par-delà le moyen âge et jusqu’aux Césars byzantins… »‌ Je ferai la même observation que pour l’alinéa précédent. […] S’il me fallait vraiment considérer cette prose comme l’une des plus belles floraisons de la langue française, j’avouerais hardiment préférer à ce langage d’insupportable apparat, celui qu’emploie dans la rue le passant inculte et brutal. […] Ce langage est d’ailleurs celui de l’Église dans tous les temps.

525. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Haro sur cette enflure et boursouflure de langage, qui répugnent à l’élégance et à la politesse du parler de France ! […] D’ailleurs, elle n’est pas de l’invention de Chateaubriand, elle appartenait au langage de la politique : « les volcans, sur lesquels on marchait… qui éclataient, lançaient des laves, etc… » tonnaient à la tribune des clubs et des assemblées parlementaires. […] « Derrière les mots mourir pour son pays, écrit Chateaubriand, on ne voit plus que du sang, des crimes et le langage de la Convention17. » Le Mercure du 3 vendémiaire an XI ayant employé le mot patriotisme, expliquait en note qu’il prenait ce mot dans sa « signification primitive » d’avant la révolution ; « car les hommes de 1792 n’avaient pas de patriotisme quoiqu’ils parlassent beaucoup de patrie ». […] Mais Chactas surgit et soudain la Française se réveille : elle se sent en présence d’un enjôleur ; elle répond à ses propositions de promenades sentimentales dans les bois : « Mon jeune ami, vous avez appris le langage des blancs, et il est bien aisé de tromper une jeune Indienne. » On devine dans cette réponse, sous le badigeon anglais et indien, la délurée grisette parisienne, qui sait que la chair est faible et le doux parler fort à l’ombre des bois de Romainville.

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