Bien assuré par un privilège du roi, il se découvre dans son troisième livre, merveilleux de verve, mais dont l’ample satire évite lestement les actualités dangereuses : c’est, sur le thème gaulois du mariage, une débauche érudite d’idées, un jaillissement étrange de vie dans ce défilé de personnages et ce cliquetis de dialogue ; et parmi tout cela la traditionnelle raillerie des moines, une attaque enveloppée contre le célibat monastique, une longue parodie des lenteurs de la justice. […] Avec le Dieu créateur, une vie future, qui soit la compensation de celle-ci, et satisfasse à notre appétit de justice et d’égalité par le renversement de tous les rôles.
Le comte Almaviva met la justice au service de ses caprices amoureux : à travers son grand air, sa dignité de façade, on l’aperçoit immoral et berné. […] Beaumarchais a mis tous ses instincts de révolte ; par la bouche de Figaro, il verse le ridicule sur tout ce qui soutenait l’ancien régime : noblesse, justice, autorité, diplomatie ; il fait une revendication insolente des libertés de penser, de parler et d’écrire, il réclame contre l’inégalité sociale ; d’un côté, la nullité et la jouissance ; de l’autre, le mérite et la peine. « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ; … vous vous êtes donné la peine de naître, rien de plus ; … tandis que moi, morbleu !