C’est lui encore qui, dans une comparaison aussi juste que spirituelle, a dit : Je compare l’ignorant et le savant à deux hommes placés au milieu d’une campagne unie, dont l’un est assis contre terre et l’autre est debout. […] Si j’osais, je lui offrirais ma plume pour soutenir ses intérêts et pour vous servir de second, et je répandrais très volontiers pour un si juste et si digne sujet jusqu’à la dernière goutte de mon encre et de mon sang. […] Ainsi, comparant la santé ruineuse des vieillards à une tour sapée, ou à ces arbres qui ne tiennent plus que par la contexture extérieure et comme par l’écorce, il dira : « Je comparerais encore cette apparence de santé à ces larmes de verre qui paraissent parfaitement solides, et qui, étant tant soit peu entamées, s’en vont en poussière. » Cela est juste et joli, et sent le poète latin.
Elle lui rendait surtout, et utilement pour son talent d’artiste, les impressions et la fraîcheur du passé qu’il avait perdues dans sa vie un peu factice : « Mes souvenirs de jeunesse connaissent tout ce que tu me dis, lui écrivait-il ; cela me fait l’effet du lointain qu’on se rappelle tout à coup distinctement, quoiqu’on l’ait pendant longtemps oublié. » Il ne se prodigue pas pour elle, mais jamais il ne la rebute ; il lui donne la réplique tout juste assez pour qu’elle ne se décourage pas et qu’elle continue. […] Sortons un peu des habitudes françaises pour nous faire une idée juste de Goethe. […] J’aurais voulu pouvoir donner une plus complète et plus juste idée d’un livre qui est si loin de nous, de notre manière de sentir et de sourire, si loin en tout de la race gauloise, d’un livre où il entre tant de fantaisie, de grâce, d’aperçus élevés, de folie, et où le bon sens ne sort que déguisé en espièglerie et en caprice.