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34. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Cependant, quand il est porté par son sujet et soutenu par de bons documents originaux, dans la notice sur Grétry, par exemple, il a des parties intéressantes, des accents justes et touchants. […] Je ne sais rien, pour mon compte, de plus instructif que les deux volumes où sont recueillies ses Notices historiques, à la fois exactes, simples (sauf quelques périphrases et tours solennels qui tiennent au goût du temps), mais d’une grande hauteur de principes, et avec des remarques morales d’une juste finesse. […] Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps. […] Mais l’Éloge de Simart, le dernier de ceux qu’Halévy a eu à prononcer, est des meilleurs ; j’y noterais à peine un ou deux endroits pour le trop de mise en scène ou la fausse élégance de l’expression ; l’analyse des travaux de l’artiste y occupe une juste place, et toute cette partie est traitée avec bien du sérieux, et cependant avec animation et vie : « Simart, au reste, ne courait pas après la popularité ; il l’attendait, non comme l’homme de la fable attendait la Fortune, mais debout et laborieux. […] « Il écrivait tout, musique et littérature, avec grand soin, et était difficile pour lui-même : il raturait, il émondait ; il voulait la clarté, l’expression juste.

35. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Voltaire, qui devinait si juste là même où il ne savait pas, a très-bien dit : « Ce Théocrite, à mon sens, était supérieur à Virgile en fait d’églogue10 ». […] Il est juste d’avertir que Huet a, presque aussitôt, retouché et rétracté en grande partie ce jugement. […] Villemain a été plus juste ; il avait lu et goûté. […] Il nous est aujourd’hui facile, aidés par de tels devanciers, par des maîtres qui nous ont élaboré la matière et qui nous épargnent les tâtonnements, de voir juste en un clin d’œil, de nous établir tout d’abord au vrai point de vue pour apprécier ces monuments d’une littérature et d’un art que nous concevons désormais en eux-mêmes et sous leur forme accomplie, sans leur demander autre chose que ce qu’ils sont. […] Il y en a quelque trace dans son chef-d’œuvre ; mais aussi, pour être juste envers lui, envers cet aimable bienfaiteur de nos belles années, n’allons pas surfaire l’ancien roman : ni le surfaire, ni le sacrifier, c’est la justice.

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