Non, les jugements du premier coup sont des impressions et non des jugements ; autrement il faudrait convenir que l’existence, la réflexion, l’expérience des hommes, sont de vains mots qui n’ont aucune influence, aucun amendement, aucun progrès à nous apporter, et que Dieu, en nous accordant le temps, ce grand révélateur de la vérité en tout genre, ne nous a donné qu’une déception dont nous n’avions aucun besoin pour être plus éclairés et plus sages qu’à notre premier mot dans la vie. […] Il faut distinguer deux temps très différents, deux époques, dans les jugements de Goethe sur nous et dans l’attention si particulière qu’il prêta à la France : il ne s’en occupa guère que dans la première moitié, et, ensuite, tout à la fin de sa carrière. […] Il leur supposait même d’abord une maturité d’âge qu’il mesurait à l’étendue de leurs jugements, tandis que cette étendue tenait bien plutôt chez eux au libre et hardi coup d’œil de la jeunesse. […] Pour être vrai, il devait se montrer avec toute la bienveillance de ses jugements, avec la pleine clarté et la pleine force de son intelligence, avec la dignité naturelle à un caractère élevé. — Ce n’était pas là une petite difficulté. […] Ces écrits sont maintenant trop loin de moi, je n’ai plus de jugement sur eux.
Il faut m’en permettre une courte analyse, pour en faire voir la différence, et motiver le jugement que j’en dois porter. […] Cet écrivain si grave et si solide n’a pas échappé cette fois à la tentation, si ordinaire de notre temps, de substituer son jugement personnel à l’opinion commune. […] Je préfère de beaucoup, au jugement de M. […] La simplicité de la critique au xviie siècle le dispensait de donner des raisons historiques de ses jugements, outre que le caractère de son Art poétique ne les lui permettait pas. […] N’amendons pas le jugement de Boileau pour si peu.