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348. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Parce qu’il rendait compte des pièces de théâtre au tout-puissant Journal des Débats, il semblait faire de la critique aux yeux superficiels, et même, à cause de l’endroit où il écrivait, de très grande critique aux yeux des imbéciles ; mais il n’en faisait que comme tout le monde en fait (sans être un écrivain ad hoc) : avec des impressions personnelles. […] Cette imagination fut, du reste, la cause de son succès si instantané, si rapide au Journal des Débats, où on l’avait pris pour rendre compte des pièces de théâtre et continuer les traditions dogmatiques de la Critique d’alors, dans la rectitude de son enseignement. […] Les blasés des La Harpe, des Chénier, des Féletz trouvèrent cela délicieux… Le vieux Bertin, ce bœuf de génie qui a laissé dans la presse française l’ineffaçable sillon du Journal des Débats, et qu’Ingres nous a si bien peint, dans sa force fatiguée, fit son favori de ce jeune homme, qu’il tutoya comme les Rois d’Espagne tutoient leurs favoris, et à qui, en dehors de ses appointements, il donnait des gratifications de mille écus pour un feuilleton qui lui plaisait !

349. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Qui ne se souvient de l’effet qu’il y a quelques années produisirent, dans la Vie Parisienne, — un journal hardi, trop hardi peut-être, non pour moi, mais pour les bégueules que j’adore ! […] Et, en effet, le caractère de ces lilliputiennes comédies, c’était la faculté très inattendue, dans un journal très hardi et qui, comme un postillon de noce, n’avait pas peur de verser dans toutes les ornières, de se risquer avec une grâce incomparablement audacieuse et… heureuse sur les bords les plus glissants de cet abîme de l’indécence qui fait tourner la tête aux imaginations pudiques, et de se retenir… et de n’y tomber jamais… Est-ce assez rare, cela ? […] Marcelin, le plus fin des fins, — même sans crayon, — sentait bien que le bijou le plus précieux de son écrin de la Vie Parisienne était cette plume qui donnait, sans inconvénient, de petites palpitations à ses abonnées vertueuses, et arrêtait à temps ces palpitations après avoir mis au front des liseuses une rougeur qui les embellissait… Embellir ses abonnées, quelle bonne fortune pour un directeur de journal !

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