Le papier est sale et sans couleur ; la pièce est meublée de quelques chaises fort sèches, d’un fauteuil d’utrecht vert usé jusqu’à la corde, d’un minable bureau d’acajou, d’un coffre-fort énorme, de cartons verts qui escaladent le mur jusqu’au plafond, et d’une sorte d’armoire-bibliothèque où l’on trouverait sans doute, si on l’ouvrait, le Code, le Manuel des maires, le Manuel de l’agriculteur, des romans-feuilletons découpés dans les journaux et cousus de ficelles rouges, peut-être des volumes dépareillés de l’Histoire de France de Henri Martin, et assurément deux ou trois romans de M. […] C’était pourtant bien assez des journaux pour démoraliser les humbles et les souffrants ! […] On le hue, car, s’il est innocent, il n’est plus intéressant du tout, il usurpe les honneurs de l’incarcération, des nouvelles criées dans les journaux, de la notoriété, de la gloire.
Je n’en veux pour témoignage que ces lignes que j’ai découpées dans un journal du soir : « … Et Jean Giraud reste, malgré tout, un bon diable d’homme, qui a bien de la patience de supporter les petites insultes déguisées de tous ces grands seigneurs qui se frottent à lui avec une satisfaction parfois malhonnête. » À vrai dire, je n’ai point remarqué que ni Robert de Charzay, ni Roncourt, ni Cayolle, qui, au surplus, ne sont pas de si « grands seigneurs », se « frottassent » à Jean Giraud avec tant de « satisfaction ». […] J’ai peur que les deux grands phénomènes sociaux qui marquent chez nous les vingt dernières années écoulées, ce ne soit précisément le développement de la luxure (voyez notre littérature, nos journaux, nos théâtres et nos boulevards) et la dureté croissante du règne de l’argent, la fréquence de ces entreprises financières… dont quelques-unes finissent en Cour d’assises, — quelques-unes seulement, parce que, en effet, l’argent est roi, roi des chefs mêmes et des conducteurs du peuple. […] J’ai vu dans un grand journal du soir que la Princesse de Bagdad était un mélodrame très déconcertant parce qu’il affecte des airs de comédie réaliste, et que Lionnette et Nourvady étaient des fous. […] dans le journal de Vernouillet, Giboyer dira tout ce que l’on voudra pour ou contre les gouvernements, pour ou contre les individus sans en penser un mot.