Il avait été, dès sa jeunesse, professeur de l’Université, sans avoir été élève et enfant de l’Université ; né et venu d’ailleurs, il n’avait pas de prédilection exclusive. […] Puisque le désordre était surtout dans les esprits, pourquoi ne s’être pas proposé de l’y combattre, de le guérir à sa source, pour ainsi dire, au moment où il s’empare des âmes ardentes et vacantes de la jeunesse ? La jeunesse a besoin de mouvement avant tout, et elle n’est pas difficile sur les idées : pourquoi ne s’être pas donné pour tâche d’y veiller ?
Quoiqu’il aimât beaucoup à raconter, on sait peu de choses précises sur sa jeunesse et les premiers temps de sa vie ; car les anecdotes contées et écoutées debout, au coin de la cheminée, s’envolent et, il lui répugnait de rien écrire qui ressemblât à une biographie, ou même de répondre aux questions de ce genre, pour peu qu’elles eussent un but. […] Ainsi se vérifia cette assertion hardie d’un membre du Comité de salut public : « On montrera la terre salpêtrée, et cinq jours après on en chargera le canon. » Certes, de telles pages, si fermes, si continues, et où la précision s’allie au mouvement, ne font pas tort à la verte jeunesse de celui dont nous avons si longtemps goûté les beaux, exacts et un peu froids articles dans le Journal des Savants. […] Biot, je la diviserais en quatre ou même en cinq périodes : la première, comprenant toute sa jeunesse, ses études d’École polytechnique, et les années qui suivirent, jusqu’à son entrée à l’Académie des Sciences en 1803 ; — la seconde, depuis 1803 jusqu’en 1822, époque où Fourier fut nommé secrétaire perpétuel de l’Académie à la place de Delambre (je dirai pourquoi cette nomination de Fourier fait époque dans la vie de Biot) ; — la troisième, durant les dernières années de la Restauration et jusqu’à l’avènement d’Arago au secrétariat perpétuel, en remplacement de Fourier ; — la quatrième, sous ce règne et cette dictature d’Arago ; — la cinquième, dans sa vieillesse heureuse et délivrée.