Dans notre jeunesse, et quand le Moyen Âge était à la mode, je me rappelle avoir entendu regretter, au sujet de Volney, qu’au lieu de ce nom qui siérait aussi bien à un personnage de roman, il n’eût point gardé ce premier nom pittoresque de Chassebœuf, qui rappelait un chevalier et haut baron poursuivant dans la plaine le vilain et piquant les troupeaux de sa lance : mais le commun du monde y voyait naturellement le vilain et le bouvier encore plus que le chevalier. […] Des circonstances heureuses avaient habitué ma jeunesse à l’étude ; j’avais pris le goût, la passion même de l’instruction ; mon fonds me parut un moyen nouveau de satisfaire ce goût, et d’ouvrir une plus grande carrière à mon éducation. […] En sortant de cette ville d’Angers où il avait passé les années de sa preuve et studieuse jeunesse, il se retourna un moment en arrière, salua les toits ardoisés qui brillaient dans le lointain, et pleura. […] Dans notre jeunesse, sous la Restauration, lorsqu’on voulait, par tous les moyens, combattre l’invasion politique d’un parti religieux, on exhuma ces livres déjà oubliés, on en multiplia les éditions, on leur refit une vogue qui ne fut qu’artificielle et d’un moment.
Ils montrent une femme, une femme du xviiie siècle aimant la vie, l’amusement, la distraction, ainsi que l’aime, ainsi que l’a toujours aimée la jeunesse de la beauté, une femme un peu vive, un peu folâtre, un peu moqueuse, un peu étourdie, mais une femme honnête, mais une femme pure, qui n’a jamais eu, selon l’expression du prince de Ligne, « qu’une coquetterie de Reine pour plaire à tout le monde ». […] Puis arrive l’heure où les crédulités de l’enfance, les illusions de la jeunesse abandonnent l’humanité. […] Cette voix même un peu enflée, ces parures de roman qu’elle donne à sa jeunesse, ce rehaussement de sa famille, cette allure moins libre et se guindant devant le public de sa vie, n’est-ce pas le caractère et le goût propre des mémoires d’une comédienne qui se confesse ? […] La France, amusée dans son enfance par des hochets, bercée dans sa jeunesse par des prestiges de gloire, et parvenue enfin à la raison de l’âge mûr, s’est lassée de mensonges, d’illusions, de fables… Au lieu de cela, que nous ont offert les mémoires contemporains ?