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1034. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Mais ayant appelé la prudence à mon secours, et considéré que je n’avais ni le nombre de troupes, ni la qualité des alliés requis pour une pareille entreprise, je dissimulai ; je conclus la paix à des conditions honorables, résolu de remettre la punition de cette perfidie à un autre temps. » Depuis cette paix, conclue un peu trop tôt, cette paix brusquée, il le sent, et contre laquelle étaient Turenne, même Vauban, et tous les militaires, si bien qu’il fallut donner à son armée et à la jeunesse guerrière la diversion immédiate de l’expédition de Candie, Louis XIV n’a qu’une idée, celle de se venger ; tout ce qu’il veut, il le veut avec suite, et sans se laisser distraire ; de 1668 à 1671, pendant trois années, il n’est occupé qu’à fortifier ses places, à augmenter ses troupes peu à peu, sans donner ombrage au dehors, à disposer ses alliances du côté de l’Angleterre, du côté de l’empereur et des princes de l’Empire, pour obtenir de ces derniers au moins la neutralité : « Je ne faisais pas un grand fonds sur la solidité de ces alliances que je prévoyais bien ne devoir pas durer longtemps, comme on le verra dans la suite ; mais je comptais pour un grand avantage de pouvoir châtier en liberté, pendant quelque temps, l’insolence des Hollandais, et j’espérais les réduire à souscrire à une paix honteuse, avant que les puissances, mes alliées, pussent être en état de les secourir. » Louis XIV est franc, il ne dissimule pas son motif : il a été blessé et il prétend en avoir raison. […] » Ce mot proféré par Louis XIV, au plus beau moment de sa jeunesse et dans la plus grande ivresse de la conquête, me paraît répondre dignement à un autre mot prononcé par lui au moment le plus triste et le plus critique de son règne, sous le coup des plus grands désastres.

1035. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Un passage de La Bruyère, qui l’avait frappé dans sa jeunesse, est devenu, nous dit-il, le programme et comme le texte de toute sa vie : « Il faut, en France, beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi et à ne rien faire. […] Et M. de Rémusat, mûr dès la jeunesse, et Ampère, mobile d’humeur,« changeant comme avril » et Albert Stapfer, l’élève de Guizot, passé plus tard à Carrel ; et Sautelet au visage jeune, au front dépouillé qui attendait la balle mortelle ; et Duvergier de Hauranne, esprit net, perçant, ardent alors à toute question littéraire (je suis toujours tenté de lui demander grâce en politique au nom des amitiés de ce temps-là) ; et Artaud, jeune professeur destitué et promettant un littérateur ; et Guizard plus intelligent et plus discutant que disert, et Vitet dont le nom dit tout, et l’ironique et bon Dittmer, le demi-auteur des Soirées de Neuilly, si supérieur à Cavé ; et Dubois, du Globe si excité, si excitant, qui a commencé tant d’idées et qui, en causant, n’a jamais su finir une phrase ; et Paul-Louis Courier, aux cheveux négligés, qui apparaissait par instants comme un Grec sauvage et un chevrier de l’Attique, — large rire, rictus de satyre, et qui avait du miel aux lèvres ; — et Mérimée, dont M. 

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