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741. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Toute une jeune race forte et libérale se rangea derrière eux, et la révolution, longtemps disputée, put enfin s’accomplir. […] Nous comptions sur le courage du jeune poëte ; nous pensions qu’il proclamerait hautement sa foi, et que, comme Sixte-Quint, il allait jeter sa béquille. […] Qu’elle vienne, et l’occupation ne lui manquera pas ; elle aura fort à faire ; car en ne touchant pas aux idées qui remuent le monde maintenant, nous semblons capitaliser notre propre fortune pour rendre plus riche encore notre jeune héritière. […] -elle doit la prendre corps à corps, lui arracher un à un les vêtements de convention dont on l’entoure malgré elle, et la montrer aux hommes étonnés telle qu’elle est, jeune, charmante, souriante, indulgente et radieuse. […] Entrons en guerre, et laissons-le gaspiller un beau style, dégrader un talent sérieux en écrivant des historiettes assez insignifiantes, précédées de préfaces où l’on jette de grosses injures contre la jeune littérature, en vertu de cet axiome : « On n’aime jamais son héritier. » La jeune littérature s’en soucie peu, au reste ; l’insulte a glissé sur elle comme le javelot de Priam sur le bouclier de Pyrrhus.

742. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Un jeune prince grec, Alexis, fils d’Isaac l’Ange, d’un de ces empereurs dépossédés à qui leurs parents et frères usurpateurs faisaient crever les yeux, sollicite l’appui de l’armée ; il arrive lui-même dans le camp ; d’un visage animé et avec le feu de son âge, il implore les chefs. […] Celui-ci, au moment de l’expédition, était jeune, dans la fleur de l’espérance et de la confiance première ; et lorsque plus tard, parvenu à l’âge le plus avancé, il retraçait ses souvenirs chéris, il était dans son beau châtel de Joinville, entouré des objets de ses affections et de tout ce qui pouvait lui rendre le sourire. […] sentiment du départ guerrier, cher à tous les hommes jeunes et vaillants, et à notre nation en particulier, Villehardouin est le premier qui a eu l’honneur de l’exprimer chez nous, il y a plus de six cents ans, dans sa prose simple, nue et grave. […] Les croisés, au contraire, ont pour principe de ne jamais attaquer l’ennemi sans lui avoir porté un défi, c’est-à-dire une déclaration fière et franche : Quènes de Béthune et Villehardouin, entre autres, sont chargés dans une circonstance critique d’aller faire ce défi préalable à toute hostilité, et de le signifier en plein palais au jeune empereur Alexis, devenu traître et ingrat.

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