Ravenel)254 elle ne se nommait pas ainsi : son père s’appelait Cordier ; mais, ayant été obligé de s’expatrier pour quelque cause qu’on ne dit pas, il laissa en France sa femme jeune et belle qui reprit son nom de famille ( Delaunay ), et la fille, à son tour, prit le nom de sa mère qui lui est resté. La jeune Cordier-Delaunay naquit à Paris le 30 août 1684, et non pas en 1693, comme on l’a cru généralement. […] Le séjour au château de Silly chez une amie d’enfance, l’arrivée du jeune marquis, son indifférence naturelle, la scène de la charmille entre les deux jeunes filles qu’il entend sans être vu, sa curiosité qui s’éveille bien plus que son désir, l’émotion de celle qui s’en croit l’objet, son empire toutefois sur elle-même, la promenade en tête à tête où l’astronomie vient si à propos, et cette jeune âme qui goûte l’austère douceur de se maîtriser, cette suite légère compose tout un roman touchant et simple, un de ces souvenirs qui ne se rencontrent qu’une fois dans la vie, et où le cœur lassé se repose toujours avec une nouvelle fraîcheur. […] Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers. […] Ce fut donc un printemps bien court dans la vie de Mlle Delaunay que ces premiers mois d’enchantement ; le parfum en fut pourtant assez profond pour remplir son âme durant ces jeunes années les plus exposées, et pour la préserver alors de toute autre atteinte.
Un jeune professeur, M. […] Quand ils sont partis, le jeune peintre survient. […] L’hypocrisie de ce jeune scélérat est admirable, devient une chose artistiquement belle. […] Puis, le jeune peintre a filé, en Amérique, je crois. […] Il y a, dans l’art jeune et les jeunes Revues, des âmes gracieuses et divinement candides, mais aussi des âmes hargneuses, envieuses, vilaines, mauvaises.