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223. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Des hommes qui de longtemps ont fait beau jeu de maint sot préjugé, de mainte tradition vénérable, adorent obstinément cette dernière idole du faux patriotisme. […] « Aujourd’hui, dit-il, l’acteur, par la mauvaise construction de nos théâtres, se voit dans l’impossibilité de se permettre une expression caractéristique par le simple jeu de sa physionomie, il lui faut de plus se faire un masque (c’est-à-dire se farder) pour résister à l’action pâlissante de la lumière de la rampe. » Il en résulte qu’il ne peut que représenter grossièrement et avec affectation les gestes extérieurs. […] « Nous reconnûmes bientôt la nécessité, dit-il, de relever les mouvements plastiques en leur donnant un rythme. » Comme le grand éloignement qui se trouve entre l’acteur et le spectateur est supprimé dans le théâtre de Bayreuth (voir plus haut), le premier peut exprimer les mouvements expressifs des émotions intérieures, qui sont alors visibles pour le spectateur. — Aux gestes exagérés des bras, qu’il reprochait à l’instant aux acteurs, Wagner oppose des mouvements plus modérés : « Nous pensâmes, dit-il, qu’une simple élévation du bras ou un mouvement caractéristique de la main ou de la tête, suffirait à exprimer les émotions de l’acteur. » A cette immobilité contre nature du chanteur, à cette situation étrange où se trouvent les acteurs, dans les ensembles des opéras, a cette nécessité enfin de parler devant le public ou de se dérober aux trois-quarts à sa vue, Wagner remédie par une simple attitude, basée sur l’observation de la nature : « Nous tirâmes, dit-il, de la passion même du dialogue le changement de poses que nous cherchions : nous avions observé que les accents les plus pathétiques de la fin d’une phrase donnaient lieu naturellement à un mouvement de la part du chanteur. « En effet, la force de l’expression se porte toujours à la fin d’une phrase, et, même dans la conversation ordinaire, nous faisons involontairement un geste pour ponctuer en quelque sorte le sens de notre discours (tome X, 389 et sq.) « Ce mouvement fait faire à l’acteur un pas en avant et, en attendant la réponse, il tourne à demi le dos au public ; ce mouvement le montre en plein à son partenaire : celui-ci, en commençant sa réponse, fait aussi un pas en avant, et, sans être détourné du public, il se trouve face à face avec le premier. » Ce jeu de scène paraîtra bien simple et indigne d’explication à nos critiques qui n’y verront « qu’un truc » comme un autre. Nous y voyons, au contraire, combien cette observation de la nature, qui caractérisait ce génie sensualiste, qu’on appelle Wagner, lui fournissait aussi bien le plus petit jeu de scène que l’ensemble grandiose de son œuvre. […] Jeu de scène indiqué dans la partition, et que nous n’avons pas vu à Bayreuth.

224. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

C’est un “barbare” qui ignore ou dédaigne les jeux de la pensée et les effusions du sentiment, pour s’adonner à la griserie des sens… » M.  […] Une fraîcheur exquise, un lyrisme ému, une grande habileté au jeu des rythmes impairs nous font prévoir en M.  […] Son lyrisme se pose sur des bases inébranlables, mais il dévoile aussi un cœur avide, pris d’un forcené besoin de tendresse et qui, s’il ne se désespère pas de savoir la mort victorieuse de la beauté, se plaît au jeu divin des rythmes qui masquent mal son humanité chancelante. […] Va et dis à ces morts pensifs À qui mes jeux auraient su plaire Que je rêve d’eux sous les ifs Où je passe petite et claire… Tu leur diras que je m’endors Mes bras nus pliés sous ma tête, Que ma chair est comme de l’or Autour des veines violettes. […] Elle est habile aux jeux du rythme, le manie avec dextérité et lui donne des souplesses insoupçonnées.

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