VIII La femme dont nous allons raconter la vie et les œuvres sortit de son sexe ; elle affronta le bruit, elle se jeta dans le tumulte d’un grand siècle, elle parla, elle chanta, elle écrivit sur la religion, la philosophie, la politique, la liberté, la tyrannie ; elle brava l’échafaud, elle subit l’exil ; elle combattit corps à corps tantôt les factions, tantôt le conquérant de l’Europe, et, si son nom ne nous rappelait son sexe, nous la placerions par ses œuvres au rang des grands hommes ; si c’est sa gloire, c’est aussi son malheur ; moins virile, elle nous intéresserait davantage. […] L’époque toute littéraire et la société toute lettrée au milieu de laquelle on l’avait jetée ne s’entretenaient que des chefs-d’œuvre de la littérature ; la gloire de la tribune et celle des champs de bataille, qui allaient naître pour la France révolutionnaire, n’étaient pas encore nées. […] Une protestation jetée au peuple par une main cachée, du sein du nuage, soulageait au moins sa conscience de femme.
Je me jetai dans le monde, un monde qui ne m’entendait pas. […] Grand Dieu, qui vis en secret couler mes larmes dans ces retraites sacrées, tu sais combien de fois je me jetai à tes pieds, pour te supplier de me décharger du poids de l’existence, ou de changer en moi le vieil homme ! […] Elle ajoutait : « Cependant, si votre projet est de paraître à l’autel le jour de ma profession, daignez m’y servir de père ; ce rôle est le seul digne de votre courage, le seul qui convienne à notre amitié et à mon repos. » « Cette froide fermeté, qu’on opposait à l’ardeur de mon amitié me jeta dans de violents transports.