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1143. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

VIII La femme dont nous allons raconter la vie et les œuvres sortit de son sexe ; elle affronta le bruit, elle se jeta dans le tumulte d’un grand siècle, elle parla, elle chanta, elle écrivit sur la religion, la philosophie, la politique, la liberté, la tyrannie ; elle brava l’échafaud, elle subit l’exil ; elle combattit corps à corps tantôt les factions, tantôt le conquérant de l’Europe, et, si son nom ne nous rappelait son sexe, nous la placerions par ses œuvres au rang des grands hommes ; si c’est sa gloire, c’est aussi son malheur ; moins virile, elle nous intéresserait davantage. […] L’époque toute littéraire et la société toute lettrée au milieu de laquelle on l’avait jetée ne s’entretenaient que des chefs-d’œuvre de la littérature ; la gloire de la tribune et celle des champs de bataille, qui allaient naître pour la France révolutionnaire, n’étaient pas encore nées. […] Une protestation jetée au peuple par une main cachée, du sein du nuage, soulageait au moins sa conscience de femme.

1144. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Je me jetai dans le monde, un monde qui ne m’entendait pas. […] Grand Dieu, qui vis en secret couler mes larmes dans ces retraites sacrées, tu sais combien de fois je me jetai à tes pieds, pour te supplier de me décharger du poids de l’existence, ou de changer en moi le vieil homme ! […] Elle ajoutait : « Cependant, si votre projet est de paraître à l’autel le jour de ma profession, daignez m’y servir de père ; ce rôle est le seul digne de votre courage, le seul qui convienne à notre amitié et à mon repos. » « Cette froide fermeté, qu’on opposait à l’ardeur de mon amitié me jeta dans de violents transports.

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