Scherer est à lire (pages 368-370 et page 343), et si dans cette conclusion l’impression morale qui surnage semble un peu en contradiction avec la conséquence intellectuelle, si on s’étonne de trouver l’une beaucoup plus favorable que l’autre, je me l’explique très bien par la situation personnelle du critique lui-même, qui fait un retour sur son propre passé, et qui, lui aussi, a osé se modifier, varier (toute proportion gardée) dans le degré de sa foi, et l’avouer sincèrement à son monde. — Et je me rappelle à ce sujet un dernier entretien que j’eus avec Lamennais.
« Il y a plus : c’est que, faute d’un certain sens spirituel nécessaire pour discerner par nous-mêmes la vérité, nous étions réduits à nous citer les uns les autres, et à citer même des anciens de deux mille ans, nous qui, aidés de leurs lumières et des lumières de soixantes générations, devions avoir incomparablement plus de lumières et de connaissances que ces anciens qui vivaient dans l’enfance de la raison humaine… » Nous touchons ici à une idée essentielle de l’abbé de Saint-Pierre, c’est que le monde intellectuel ne date que d’hier, que les hommes sont dans l’enfance de l’esprit et de la raison, que l’humanité n’a guère que sept ans et demi, l’âge à peine de la raison commençante45.