Les amoureux sont aisément crédules ; elle est tentée de voir là-dedans un signe et une intention de la Providence : « Je ne veux point pénétrer les desseins du Ciel, je ne me permettrai pas de former de coupables vœux ; mais je le remercie d’avoir substitué mes chaînes présentes à celles que je portais auparavant, et ce changement me paraît un commencement de faveur. » Elle est extrêmement attendrie ce jour-là (7 juillet) ; les épanchements de la journée ne lui ont pas suffi ; elle s’y remet dans la soirée encore ; son âme déborde ; elle laisse échapper l’hymne intérieur comme dans un couplet mélodieux ; elle a beaucoup lu Thompson, elle l’imite ; elle a de sa prosodie scandée, elle a de la simplicité avec pompe : « Douce occupation, communication touchante du cœur et de la pensée, abandon charmant, libre expression des sentiments inaltérables et de l’idée fugitive, remplissez mes heures solitaires ! […] Elle commençait une phrase lorsque deux guichetiers de l’intérieur l’appelèrent pour le tribunal. […] Je connais et j’ai présentes en ce moment à la pensée un certain nombre de femmes instruites, méritantes, éprouvées, natures vaillantes et probes, qui, sorties du peuple ou presque du peuple, ont conquis l’éducation, les lettres, les sciences, les arts même, — quelques-unes la poésie ; — qui pensent et s’expriment avec fermeté, avec nombre et non sans grâce ; qui comptent dans leur intérieur à tous les titres ; qui doublent et affermissent l’intelligence du frère ou de l’époux, le secondent dans sa carrière, l’aident modestement dans ses travaux, et, à défaut d’une certaine fleur peut-être, font goûter les fruits les plus sûrs et ce qu’il y a de meilleur dans le trésor domestique.
Il n’a même pas l’intuition du inonde intérieur : le sens des réalités invisibles lui manque. […] Il y a là sans doute des mots satiriques, des mots de bourgeois de Paris qui a fréquenté chez Ninon : mais ce qui frappe et qu’on retient le plus, c’est une figure joufflue d’ecclésiastique, un intérieur de chambre confortable, une « cruche au large ventre » que se passent de main en main des chanoines attablés, toute une série de types et de scènes, que le crayon ou le pinceau exprimeraient plus facilement que la plume. […] C’est un intérieur de taverne : Et de chantres buvans les cabarets sont pleins.