/ 1723
212. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Il nous incite à refaire, sans cesse, activement, notre création intérieure ; à compâtir, à mettre en ce monde l’unité, et notre vie dans un monde nouveau ; et il nous incite, le Maître Vénéré, à souffrir, à constater de cruelles énigmes, à courir vers la mort, puisqu’en ces tourments est, plus intense et plus divine, notre Joie. […] De même encore, cette représentation consciente de l’Idée du Monde dans le Drame semble être faite au moyen de cette loi intérieure de Musique, qui agit, mais inconsciente, chez le Dramaturge, à la façon de cette loi, d’ailleurs inconsciente, de la Causalité, qui nous sert à l’Aperception du Monde de l’Apparence. […] Une seule chose nous restera dans l’esprit, dominant le tumulte du Drame : la figure de ce farouche Coriolan dont la fierté est en lutte avec la voix intérieure de sa conscience, voix qu’appuie, plus haut encore et plus puissamment, la propre Mère de Coriolan ; et, de tout le développement dramatique, une seule vision nous restera, la victoire de cette voix sur la fierté du héros, le brisement de la résistance d’une âme forte surnaturellement. Beethoven choisit, pour son drame, uniquement, ces deux motifs principaux qui, plus précisément que toute représentation par des concepts définis, nous fait sentir l’essence intérieure de ces deux caractères. […] 3° Bayreuth (histoire du théâtre de Richard Wagner à Bayreuth), par Edouard Dujardin, avec la vue intérieure du théâtre de Bayreuth.

213. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Squeers, les bureaux de Dombey et fils, la prison pour dettes dans La Petite Dorrit, l’intérieur de pêcheur dans David Copperfield, l’Amérique de Martin Chuzzlewit, les avocats et les avoués de Bleak House, seront considérés par tout homme sachant la vie comme des milieux de fantaisie, des descriptions édulcorées ou forcées, au contraire, au grotesque et à l’odieux. […] Cette perpétuelle intervention des sentiments de l’écrivain ne se marque nulle part d’une manière plus nette qu’en ses descriptions de paysages ou d’intérieurs qui, fort peu graphiques et distinctes, consistent plutôt dans le développement d’une opinion, d’une impression morale, d’une manière de voir, que dans énumération et la recomposition d’une série d’images visuelles. […] Dans les livres antérieurs, les tableaux sont plus nettement poussés au grotesque ou au noir et, de la sorte, certains intérieurs poudreux et obscurs où le fantastique se mêle facilement au réel, la maison sinistre et taciturne d’un vieil usurier dans Nicolas Nickleby, le sombre et sordide bureau d’Antoine Chuzzlewitt, saillent avec une étrange vigueur. […] Dickens avait essentiellement une nature affective, sentimentale, émotionnelle, c’est-à-dire que chez lui, plus qu’en d’autres, les impressions que ses sens recevaient du monde intérieur, les images générales, les idées qu’il s’en formait, étaient toutes accompagnées de vives sensations d’agrément ou de peine, qu’ainsi elles se transformaient presque immédiatement en sentiments, en émotions, et que celles-ci enfin, étant non pas de source intellectuelle, comme par exemple l’exaltation d’un géomètre à la vue d’une belle démonstration, mais de source sentimentale, étaient presque purement bornées à l’affection et à l’aversion simples. […] Or l’écrivain affectif étant de nature émotionnelle, ressent les dispositions imaginaires dans lesquelles il se met, avec une violence extrême ; de plus, au moment où il écrit, l’inspiration, l’excitation intérieure le porte ; l’occasion commande une sorte de transport.

/ 1723