Pour l’unité d’intérêt, il y est moins fidèle : c’est le plus difficile de l’art, et l’habileté n’y peut suppléer le génie. […] Il recommande la vérité des caractères, le développement des passions, l’unité d’intérêt et de temps, sinon de lieu, enfin, la perfection des vers pour faire durer tout le reste. […] Si nous n’avons pas le plaisir de voir la passion se former au fond du cœur de ses personnages, croître et s’exalter par sa lutte même avec l’intérêt ou le devoir, Se servir de l’esprit, de la raison, de la bonne foi même, pour se justifier, nous voyons des actions qui se précipitent, des péripéties imprévues, des coups d’épée qui tranchent les situations.
Convenons qu’il doit y avoir une Providence divine, une intelligence législatrice du monde : grâce à elle, les passions des hommes livrés tout entiers à l’intérêt privé, qui les ferait vivre en bêtes féroces dans les solitudes, ces passions mêmes ont formé la hiérarchie civile, qui maintient la société humaine. […] C’est un caractère des hommes courageux de ne point laisser perdre par négligence ce qu’ils ont acquis par leur courage, mais de ne céder qu’à la nécessité ou à l’intérêt, et cela peu à peu, et le moins qu’ils peuvent. […] Les nations encore barbares sont impénétrables ; au-dehors, il faut la guerre pour les ouvrir aux étrangers, au-dedans l’intérêt du commerce, pour les déterminer à les admettre.