Bien des places étaient prises en poésie à cette époque ; l’instinct de son génie naissant, comme aussi l’instinct de son doux caractère, lui dirent qu’il ne fallait déplacer personne, mais qu’il fallait se faire à lui-même, à côté et au niveau de tout le monde, une place neuve qui n’eût pas encore été occupée, et qui, par cela même, n’excitât ni colère ni envie parmi ses rivaux. […] Soit raisonnement, soit instinct, il y avait, en 1829 et en 1830, un véritable génie des circonstances dans ce parti pris. […] Mais de là aussi une incrédulité impie à l’amour vertueux, une ironie habituelle contre l’amour fidèle, une moquerie de l’amour de l’âme, un culte à l’amour des yeux, et enfin un abandon sans résistance à l’amour capricieux et volage de l’instinct qui est à la fois la profanation et la vengeance de ce qu’il y a de plus divin dans le calice où l’homme boit ses délices et ses larmes.
Villars n’est pas seulement brave et brillant, il a les instincts de la grande stratégie, de celle dont notre siècle a vu les développements et les merveilles : en deux ou trois occasions, s’il avait été maître de ses mouvements, il frappait au cœur de l’Allemagne de ces coups agressifs auxquels on n’était pas accoutumé alors ; il se lançait, par exemple, jusqu’aux portes de Vienne, et très probablement il y entrait. […] Ce que Villars n’avait fait jusque-là que par instinct et pour trouver des occasions, il le fit dès lors avec le désir de s’instruire : Il passait souvent trois et quatre jours de suite dans les partis avec les plus estimés dans cet art : c’était alors les deux frères de Saint-Clars, dont l’un, qui était brigadier, fut une fois six jours hors de l’armée, toujours à la portée du canon de celle des ennemis, poussant leurs gardes à tout moment à la faveur d’un grand bois dans lequel il se retirait, faisant des prisonniers, et donnant à toute heure au vicomte de Turenne des nouvelles des mouvements des ennemis.