Phrase par phrase, durement, amèrement, le roi est réfuté et accusé jusqu’au bout, sans que l’accusation fléchisse une seule minute, sans qu’on accorde à l’accusé la moindre bonne intention, la moindre excuse, la moindre apparence de justice, sans que l’accusateur s’écarte et se repose un instant dans des idées générales. […] Sa religion vient chez lui le soir, prie, soupe largement, est conduite à un lit somptueux, se lève, est saluée ; après un coup de malvoisie ou de quelque breuvage bien épicé, sa religion fait un bon déjeuner, sort à huit heures, et laisse son excellent hôte dans la boutique, trafiquant tout le jour, sans sa religion479. » Il a daigné railler un instant, avec quelle poignante ironie vous venez de le voir. […] Confondu, il s’arrête, et au même instant les frères conduits par l’Esprit protecteur se jettent sur lui l’épée nue. […] Tâchez de retrouver en vous-même l’antique exaltation des psalmistes et des apôtres, de recréer la divine légende, de ressentir l’ébranlement sublime par lequel l’esprit inspiré et désorganisé aperçoit Dieu ; au même instant, le grand vers lyrique roulera chargé de magnificences ; ainsi troublés, nous n’examinerons point si c’est Adam ou le Messie qui parle ; nous n’exigerons point qu’ils soient réels et construits par une main de psychologue, nous ne nous soucierons point de leurs actions puériles ou étranges ; nous serons jetés hors de nous-mêmes, nous participerons à votre déraison créatrice ; nous serons entraînés par le flot des images téméraires ou soulevés par l’entassement des métaphores gigantesques ; nous serons troublés comme Eschyle, lorsque son Prométhée foudroyé entend l’universel concert des fleuves, des mers, des forêts et des créatures qui le pleurent, comme David devant Jéhovah, « qui emporte mille ans ainsi qu’un torrent d’eau, pour qui les âges sont une herbe fleurie le matin et séchée le soir. » Mais le siècle de l’inspiration métaphysique, écoulé depuis longtemps, n’avait point reparu encore. […] Adam dit à Ève d’aller à la provision510 : elle discute un instant le menu en bonne ménagère, un peu fière de son potager. « Il confessera que sur la terre Dieu a répandu ses largesses autant que dans le ciel511. » Voyez ce joli zèle d’une lady hospitalière
Il ne s’imagine pas « très conscient… en son tréfonds », et il se met au centre de l’expérience : assis au milieu du jardin, devant ce ciel et ce feuillage, face à face avec l’amour ou avec la mort, sous cette nuit étoilée, face à face avec Dieu ; si j’écarte un instant toute pensée, et si je me recueille en silence, je sens se mêler à moi tout un monde confus de formes, de couleurs, de sons, de parfums, de présences ; … etc : qu’ajouter à ces admirables commentaires ? […] Pour l’instant, le débat tend de plus en plus à se limiter à la partie négative de notre synthèse. […] Pour nous, philosophes, tout poème est quelque chose de fabriqué, tout poème un fabricant ; inspiré ou non, peu importe pour l’instant. à coup sûr, quelques-uns le sont. […] Robert de Souza disait dans où nous en sommes. — la victoire du silence (p. 45) : rien ne peut être étranger au poète, si toutefois le magasin de sa raison reste, « dans l’instant qui le soulève », attaché comme un banc de coquilles obscures « au fond des eaux ingénues de son âme ». il m’est signalé encore que la préface de Paul Valéry aux poésies de M. […] Arrêtons-nous un instant sur cette pensée et distinguons bien l’expression loquace, trop souvent impuissante, de la contemplation révélatrice.