Je le définirai encore mieux en l’opposant, non pour lui donner le dessous, à cette audace d’invention qui, dans la philosophie, pousse Descartes à vouloir pénétrer le secret du monde moral ; dans la physique, à toucher du doigt la molécule ; qui, dans la logique, fait raisonner Pascal avec Dieu ; dans la politique, inspire à Platon sa république, à Fénelon sa ville de Salente ; dans la métaphysique suggère à Aristote l’idée de compter nos facultés et de parquer nos idées dans des catégories, ou fait imaginer à Leibnitz l’harmonie préétablie. […] Tous les bons esprits de ce temps-là n’imaginaient rien de meilleur que la monarchie absolue, tempérée par les qualités personnelles du souverain. […] Encore craignait-il de se trop aimer lui-même dans cet amour ; c’est ce qui lui fit imaginer cette étrange échelle de cinq manières d’aimer Dieu, de cinq amours de Dieu, avec lesquels se combine, dans des proportions décroissantes, un mélange d’intérêt propre, et dont le dernier est cet amour entièrement désintéressé, sans espérance, sans crainte, sans alliage d’aucun sentiment humain, qui forme le suprême état de perfection enseigné par les quiétistes. […] Hors de là il n’imagine rien.
Imaginez un Théocrite riverain du fleuve Jaune, avec des bizarreries exquises et des surprises enchanteresses. […] J’imagine que, le soir d’une grande bataille, l’enthousiasme n’est pas plus grand dans le camp vainqueur. […] que du temps de la place Royale (second séjour), un peu avant l’élection à la Présidence de Louis Bonaparte, celui-ci fréquentait chez le grand homme, où apparaissait, rayonnante de grâce, de pétulance et de beauté enflammée, Mlle Eugénie de Montijo qui chantait au poète, et j’imagine aussi au prince, des airs espagnols à tourner toutes les têtes. […] élargissez ce mur et la ronde, au lieu d’une année imaginez dix-huit siècles, variez à l’infini le costume des personnages, la physionomie des scènes, la disposition des accessoires, par-dessus cela mettez la griffe du génie et vous n’aurez encore qu’une faible idée de la deuxième partie du Livre qui nous occupe.