Dans un premier livre il traite de l’esprit proprement dit, et de ses principales branches, imagination, réflexion et mémoire ; dans le second livre il traite des passions ; dans le troisième il traite du bien et du mal moral, en d’autres termes, des vertus et des vices. […] Vauvenargues avait l’imagination tournée à l’histoire, à l’action, je l’ai dit ; homme de race noble et fière, il manquait, malgré sa modestie, de cette qualité plus naïve et plus humble qui fait que des âmes naturelles ont gagné à se rapprocher du peuple et y ont puisé des inspirations habituelles et plus vives. […] En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même : Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints. […] Périclès, ayant à parler de guerriers morts pour la patrie, disait : « Une ville qui a perdu sa jeunesse, c’est comme l’année qui aurait perdu son printemps. » Vauvenargues a de ces traits d’une imagination jeune, nette et sobre, comme on se les figure chez Xénophon et chez Périclès.
Tout, de même que Mme George Sand représente l’imagination dans les Lettres françaises, tout de même Mme Daniel Stern, qui a l’esprit très sec, représente la raison, l’abstraction, la métaphysique, qu’on ne peut pas dire tombées en quenouille, quand il s’agit d’elle, car Mme Stern n’en a jamais filé une. […] … Les femmes seules ne peuvent y atteindre que par le petit bout, — le bout des Mémoires, des commérages, des anecdotes, des choses, personnelles, charmantes souvent sous leurs plumes ; mais pour l’histoire en elle-même, la grande Histoire, interdite même aux poëtes, aux imaginations de trop de flamme, aux génies inventifs, tant elle exige un regard calme et clair pour discerner les choses, et une main juste et ferme pour n’en pas manquer les proportions ! […] … Et ce n’est pas seulement leur sensibilité, leur imagination et leurs nerfs qui rendent les femmes parfaitement incapables de se mesurer avec les difficultés de l’histoire ; car Mme Daniel Stern n’a ni feu d’imagination, ni sensibilité, ni nerfs, et elle n’a pas plus réussi dans son Histoire des commencements de la République aux Pays-Bas (quel titre !)