Les causes qui ont retardé les progrès de la littérature allemande, s’opposent encore, sous quelques rapports, à sa perfection ; et c’est d’ailleurs un désavantage véritable pour une littérature, que de se former plus tard que celle de plusieurs autres peuples environnants : car l’imagination des littératures déjà existantes, tient souvent alors la place du génie national. […] Mais rien n’émeut davantage que ce mélange de douleurs et de méditations, d’observations et de délire, qui représente l’homme malheureux se contemplant par la pensée, et succombant à la douleur, dirigeant son imagination sur lui-même, assez fort pour se regarder souffrir, et néanmoins incapable de porter à son âme aucun secours. […] La tragédie de Goetz de Berlichingen, et quelques romans connus, sont remplis de ces souvenirs de chevalerie si piquants pour l’imagination, et dont les Allemands savent faire un usage intéressant et varié. […] Les Allemands manquent quelquefois de goût dans les écrits qui appartiennent à leur imagination naturelle ; ils en manquent plus souvent encore par imitation.
On se pique davantage de science et d’exactitude que d’imagination et de couleur. […] Toute religion, étant de la catégorie de l’idéal et du mystérieux, affectionne les mots et les tournures de langage propres à frapper l’imagination. […] Lorsque vinrent les Romantiques avec leur imagination échauffée, ce fut bien autre chose. […] Charles Morice, savent combien, selon la parole de Diderot, le vague et l’indéterminé sont séduisants pour l’imagination, qui s’effarouche du trop précis.