Il y a donc nécessairement une profondeur de peine, un genre de vérité que l’expression poétique affaiblirait, et des situations simples dans la vie que la douleur rend terribles, mais que l’on ne peut soumettre à la rime, et revêtir des images qu’elle exige, sans y porter des idées étrangères à la suite naturelle des sentiments. […] L’image de l’Amour prenant les traits d’Ascagne pour enflammer Didon en jouant avec elle, peint-elle aussi bien l’origine d’un sentiment passionné, que les vers si beaux qui nous expriment les affections et les mouvements que la nature inspire à tous les cœurs ? Tout ce qui environnait les anciens leur rappelant sans cesse les dieux du paganisme, ils devaient en mêler le souvenir et l’image à toutes leurs impressions ; mais quand les modernes imitent à cet égard les anciens, on ne peut ignorer qu’ils puisent dans les livres des ressources pour embellir ce que le sentiment seul suffisait pour animer. […] Le véritable objet du style poétique doit être d’exciter, par des images tout à la fois nouvelles et vraies, l’intérêt des hommes pour les idées et les sentiments qu’ils éprouvaient à leur insu ; la poésie doit suivre, comme tout ce qui tient à la pensée, la marche philosophique du siècle. […] La philosophie, en généralisant davantage les idées, donne plus de grandeur aux images poétiques.
Cette image du cygne, volontiers employée par lui dans ses vers, était son propre emblème et revenait involontairement à la pensée en le lisant. […] Je viens de relire une douzaine, de lettres de lui qui se rapportent à cette année et aux suivantes, et j’y ai retrouvé toute une image de ces temps de vive ardeur et de sympathie mutuelle, les témoignages précieux d’une expansion trop réprimée dans la suite et trop combattue. […] Dans les exemples de Gilbert, de Chatterton et d’André Chénier, il étalait complaisamment l’image du poète-martyr ; il se faisait le pontife des jeunes esprits douloureux. […] Nous eûmes là sous les yeux, comme matière de méditation, au besoin, et comme sujet d’étude morale, la plaie exposée à nu, l’image d’une mortification froide et incurable. […] Dans Le Joueur de Flûte, le poète a essayé de la poésie familière ; un sentiment d’humilité et de fraternité qui. ne lui est pas habituel l’a inspiré : il explique par une image sensible, empruntée à l’instrument de buis, les désaccords, les fautes et les gaucheries de l’exécution en toute œuvre de l’esprit et de l’art.