Flaubert, souvent brutale, incorrecte, ne manque ni de franchise ni de netteté, et parfois même, à travers ses descriptions trop crues, une image subite révèle le sentiment de la poésie. […] Tantôt, entraîné par cette gageure, il brouille le peu de notions qui nous restent, il confond les âges si divers du monde qu’il prétend reconstruire, il invente ce qu’il ignorera toujours, il décrit ce qui n’a jamais pu vivre, il donne la même valeur aux conjectures plausibles et aux imaginations hasardées, il noie quelques débris de vérités dans un océan d’erreurs, et, tâchant de tromper le lecteur, il finit par se tromper lui-même ; tantôt, dans cette lutte contre un sujet qui sans cesse lui échappe, il s’emporte, il s’enivre de sa parole, de ses images, de ses héros, de ses dieux, de ses monstruosités de toute espèce, il se livre au Dévorateur et devient comme un prêtre de Moloch. […] Je ne sais, mais ceci cache encore quelque intention de réalisme archéologique, car cette singulière image revient avec une persistance opiniâtre : les hommes se tassent , les femmes se tassent , la multitude se tasse sur les terrasses , Hamilcar tasse les soldats de son armée en masses orbiculaires .
Sieyès exprime cette méprise, trop naturelle à l’homme, par une image un peu bizarre, mais très ingénieuse : « Je crois que la tête de l’homme est une somme de petites cases ressemblant à des estomacs ; elles veulent se remplir n’importe comment, et tout y est bon (on les dirait à l’épreuve du poison). […] Nous, qui n’en avons point, nous ornons, nous faisons de la musique pour les sens, des images, etc. […] Ce dernier a entravé l’œuvre des Sieyès et des Condorcet ; il a voué le siècle renaissant à l’imagination extérieure et au culte des images.