Parmi les artistes qui, sous toute forme et dans toute œuvre, arrivent à ce degré de profondeur et d’intensité qui est plus que la vie et qui en constitue l’idéal, il y a ceux qui ont tiré à eux toute cette magnifique couverture du nom de poètes et qui l’ont gardé pour eux seuls.
Des soucis de culture classique, l’utilisation d’une langue mordante ou savoureusement pastichée d’après l’ancien langage du xviie siècle, figurent au premier plan de leur idéal esthétique. […] Paul Bourget et son école, se préoccupe avant tout de la lutte entre le passé et le présent, des conflits qui surgissent entre l’idéal d’hier et celui de demain, de la bataille engagée entre les intérêts individuels et les intérêts familiaux, des vicissitudes que traverse l’idée de famille, — par la crise du mariage, par la déchéance de l’autorité paternelle, — et, enfin, des haines de classes. […] Qu’est-ce que le Maître de la Mer, sinon une peinture vive et imagée de la lutte entre l’idéal archaïque de chevalerie et de désintéressement, gardé par le vieux monde comme un legs des temps anciens et, d’autre part, l’esprit d’arrivisme utilitaire, l’esprit prosaïque et niveleur qu’un homme du Nouveau-Monde incarne ici avec prestige ? […] Obligé de souligner le mal, de le peindre, de s’en servir comme d’un élément, suivant son but quand même et conformant son œuvre au secret idéal qu’il porte en son imagination de poète, il a fait du grand art et, sans pose ni artifice, de l’art fier et réconfortant.