/ 2928
834. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Or la psychologie est tout uniment, pour les philosophes, l’étude expérimentale des facultés de l’esprit, et, pour le romancier, la description des sentiments que doit éprouver une créature humaine, étant donnés son caractère, son tempérament s’il y a lieu, et une situation particulière. […] Balzac, du moins, ne s’est jamais interdit les sujets immédiatement contemporains et n’a découvert qu’après coup et sur le tard le plan de la Comédie humaine. […] Zola l’écrase sous une impuissance absolue et sous un malheur absolu  Et Claude Lantier n’est pas seulement un artiste amoureux de son art : c’est un possédé de la peinture, un fou, un démoniaque en qui la passion unique a étouffé tout sentiment humain. […] Zola : une créature en qui éclate et s’épanouit la bestialité humaine, une « mouquette » : Mathilde, l’herboriste ; et une créature qui représente la souffrance imméritée : le petit Jacques. […] Nul n’a jamais vu plus tragiquement tout l’extérieur du drame humain.

835. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Enfin, quoi qu’il en soit de la manière dont cet ouvrage peut être écrit, ce sera toujours par son objet un livre précieux pour les philosophes : c’est, je le répète, une pièce de comparaison pour l’étude du cœur humain, et c’est la seule qui existe. L’erreur de Rousseau n’a pas été de croire qu’en se confessant ainsi tout haut devant tous, et dans un sentiment si différent de l’humilité chrétienne, il faisait une chose unique ou même une chose des plus curieuses pour l’étude du cœur humain : son erreur a été de croire qu’il faisait une chose utile. […] Mais Rousseau, avec tous ces désavantages que nous ne craignons pas d’après lui d’indiquer par leur nom, vaut mieux que Chateaubriand en ce sens qu’il est plus humain, plus homme, plus attendri. […] Ce n’est pas de la délicatesse chevaleresque que je parle, c’est de la véritable, de l’intérieure, de celle qui est morale et humaine. […] René est un modèle plus flatteur pour nous, parce que tous les vilains côtés humains y sont voilés ; il a une teinte de la Grèce, de la chevalerie et du christianisme, qui croisent en lui leurs divers reflets à la surface.

/ 2928