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2856. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

« Ce n’est pas le sujet de la pièce que nous blâmons, dit le critique (il a cette pudeur du moins), mais bien le mouvement et la nature des pensées que le poète appelle à son aide pour exprimer sa reconnaissance : il reproche aux canons de l’hôtel des Invalides de n’avoir pas tonné le glas aux funérailles de Charles X ; il les accuse de partager la lâcheté humaine et d’adorer tour à tour Henri IV et Louis XI. […] Placée sous une zone tempérée, elle a assez de jours purs pour comprendre la littérature, aux contours arrêtés, de l’Espagne et de l’Italie ; assez de jours nuageux pour sentir la poésie flottante et vaporeuse de l’Allemagne et de l’Angleterre ; enfin, assez de force et de justice pour faire à Dante et à Alfieri, à Shakespeare et à Sheridan, à Goethe et à Schiller, à Lope de Vega et à Calderon, la part qui leur est due dans cette immense Babel que l’esprit humain bâtit depuis le treizième siècle, et que la main du Seigneur lui-même tenterait en vain de renverser, si près qu’elle soit du ciel.

2857. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Nous ne devons le sacrifice de nôtre jugement qu’à l’autorité divine ; et c’est une espece d’idolatrie, que d’accorder à des décisions humaines ce sacrifice que Dieu s’est reservé pour lui seul. […] il y a toûjours, dit-elle, quelque si, quelque mais, qui ne laisse pas ce grand poëte joüir en paix de sa réputation ; je sçai bien qu’elle ne veut ni de si ni de mais sur un auteur qu’elle juge irréprochable : car elle a beau dire par condescendance, qu’il peut bien y avoir quelque chose dans Homere qui se ressente de l’humanité, elle défend avec ardeur tout ce que les critiques y ont repris : ils ont été assez malheureux jusqu’ici pour n’attaquer rien que de parfait, que de divin : ni la malice ingénieuse à trouver des fautes, ni la raison qui les trouve d’autant mieux, qu’elle les cherche sans prévention, n’ont pû appercevoir les foiblesses d’Homere ; elles échappent même à la pénétration de Me D et il semble que ce soit un secret impénétrable à l’intelligence humaine. […] Me D par exemple, n’a jamais reconnu aucune faute dans Homere : elle veut qu’il ait inventé l’art, et qu’il l’ait porté d’abord à la perfection : en un mot, elle veut qu’il soit lui seul l’exception de l’infirmité humaine. […] Le poëte épique soûtient que le poëme est le chef-d’oeuvre de l’esprit humain : le tragique et le comique en disent autant de la tragedie et de la comedie : le lyrique accoûtumé à se loüer par son droit d’enthousiasme, croit encore que son genre est plus difficile et plus élevé ; et il mettra de son autorité, les Pindares et les Horaces, c’est-à-dire lui-même sous d’autres noms, au dessus des Sophocles et des Terences.

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