Bayle, que nos Philosophes regardent comme l’honneur de la raison humaine ; Bayle, dont les Ouvrages ont alimenté les froids raisonnemens de nos Discoureurs irréligieux ; Bayle, cet exemple si frappant de l’inconséquence humaine, par les contradictions où il se précipite sans cesse : comment appeloit-il cette raison qu’on croit humiliée par sa soumission à la Foi religieuse ? […] Elle seule peut porter l’Homme à détacher de lui-même ce qu’il juge nécessaire* à son semblable, à lui restituer le bien ou l’honneur qu’il lui a ravi. […] De là, point de confiance dans les sentimens, plus de sûreté dans le commerce, plus de liens dans les familles, plus d'amour pour la Patrie, plus d'équité, plus d'honneur. […] C’est surtout dans l’inégalité des conditions, dans la disproportion des fortunes, dans l’inexacte distribution des honneurs & des récompenses, que cette Religion fait connoître la douceur de son empire & la sagesse de ses loix, qui temperent & réparent, autant qu’il est possible, les adversités humaines. […] Qu’ils se taisent, pour l’honneur de la raison humaine, outragée par le délire de leurs raisonnemens, & par les dangers qui résultent de leurs conséquences ; qu’ils écoutent, afin de s’instruire, de se connoître, & d’abjurer leurs erreurs & leurs motifs ; qu’ils se soumettent, &, bien loin de trouver dans la Religion un joug austere & nuisible, ils y trouveront, au contraire, la gêne des passions, remplacée par le regne de la vertu ; les sacrifices de l’amour-propre, payés par les douceurs de la modération ; l’assujettissement des goûts & des caprices, accompagné de la paix de l’ame ; les combats de la sensibilité, couronnés par le calme ; les agitations de la révolte, dissipées par la supériorité des sentimens ; les transports de l’animosité, désavoués par la sagesse, & étouffés par la soumission.
Ce n’est point une supposition en l’air quand j’ai l’honneur de vous dire, monsieur, que j’ai lu le Te Voltarium à deux évêques ; rien de plus certain et de plus vrai. J’aurai l’honneur de vous les nommer, lorsque j’aurai celui de vous voir ; ils n’en ont fait que rire. […] Je ne sais pas si j’aurais la vertu de cet état, mais heureusement ce n’est pas le mien ; je suis chargé d’une police qui concerne les gens de lettres, les savants, les auteurs de toute espèce, c’est-à-dire des gens que j’aime et que j’estime, avec qui j’ai toujours désiré de passer ma vie, qui font honneur à leur siècle et à leur patrie. […] Faisant l’application de ceci à l’Encyclopédie, Malesherbes montrait les deux principaux auteurs, d’Alembert et Diderot, l’un d’eux, d’Alembert, le plus sage, et « qui n’a jamais eu d’aventures », ayant part aux honneurs académiques et aux grâces littéraires, et sur qui on avait prise à quelque degré ; le second, Diderot, qui avait fait des fautes et en avait été puni sévèrement : Mais ces fautes sont-elles irréparables ? […] [NdA] Autre trait de nature : il aimait les enfants ; une personne aimable et distinguée, après avoir lu cet article dans Le Constitutionnel, me fait l’honneur de m’écrire quelques-uns des souvenirs que réveille en elle cette lecture : Je me rappelle qu’un jour ce noble vieillard tenant par la main une petite fille de cinq ans, et se promenant, avec elle dans les jardins de Malesherbes, lui proposa de jouer à la cachette, et que cette petite fille croyait que son vieil ami y prenait autant de plaisir qu’elle-même.