Rathery qui, depuis bien des années, s’est appliqué à la littérature sérieuse et historique, et qui a fait preuve, dans maint travail critique, d’un rare esprit d’exactitude et de finesse, rend en ce moment un véritable service en publiant, au nom de la Société de l’histoire de France, les journaux et mémoires du marquis d’Argenson. […] Sans entrer dans des détails qui seraient aujourd’hui sans intérêt, disons seulement qu’au sein même de la Société de l’histoire de France les droits de la vérité historique pure et entière, non adoucie et déguisée, non adultérée et sophistiquée, ont trouvé de chauds défenseurs et des appuis en la personne de MM. […] De son côté, M le ministre d’État52, en donnant et en maintenant l’autorisation nécessaire pour la publication d’un manuscrit appartenant à l’une des bibliothèques particulières de l’empereur, mérite aussi, et plus que personne, les remerciements des amis des études historiques. […] [NdA] Je le définis ainsi d’après son livre même, qui est déjà un symptôme des temps (1743), et qui parut dans l’intervalle qui sépare le publications de l’abbé de Saint-Pierre du Contrat social de Jean-Jacques ; livre tout logique, tout de raison ou de raisonnement, qui procède par principes et conséquences, ne tient nul compte des faits existants ni des précédents historiques, et pousse l’idée jusqu’à son dernier terme sans faire grâce d’un seul chaînon.
Renan n’a rien ajouté à cette vue première, à cette piètre généralité dont il n’a pas caché le néant sous les applications historiques qu’il en a faites. […] Tout en prenant ses précautions contre eux, il reconnaît, par l’admiration qu’il leur a vouée, que Wolf et Strauss sont ses maîtres, Strauss, le prestidigitateur de l’érudition, l’escamoteur historique, dont le livre apoplectique veut expliquer tous les faits de l’Évangile par des mythes purs, — comme on avait, avant lui, essayé de les élucider avec des explications naturelles. […] Renan comme dans celles de Wilkes, de Weiss et de Bruno Bauer, cette critique essentiellement ennemie du surnaturel et cette méthode qui, de nuance en nuance et d’effacement en effacement, dépouille et pèle le fait historique jusqu’à ce qu’il n’en reste absolument rien. […] Renan dit et répète à satiété que la critique historique est toute dans les nuances, qu’elle n’est pas ailleurs ; mais avec les procédés de sa méthode, les nuances finissent par devenir si fines, qu’elles cessent d’exister et que bientôt on ne les voit plus.