pour l’avoir éprouvé, mais je ne hais pas une bonne et franche morsure), Frédéric Morin, a parlé de lui, une seule fois je crois, et sans morsure, et certainement il l’avait lu et il en a parlé parce qu’il l’avait lu ; mais si l’auteur obscur de J’aime les Morts, de l’Histoire du feu par une bûche, et des Dévotes 37, n’avait pas été lyonnais et petit-fils de Camille Jordan (une réputation établie), Morin, qui est un lyonnais, un lettré, et, si je ne me trompe, un philosophe, l’aurait-il seulement lu ? […] je ne mets pas au niveau du J’aime les Morts l’Histoire du feu. Je n’aime pas beaucoup l’idée de cette histoire, écrite par une bûche, — titre maniéré, qui promet un livre maniéré et qui ne vous trompe pas. Mais là même, dans ce livre où le feu est regardé sous tous les aspects, comme l’auteur de J’aime les Morts avait déjà regardé la tombe, il y a des passages — et ils sont nombreux — d’une poésie d’images teintées de tous les reflets de l’élément dont il fait l’histoire, et, de plus, comme dans J’aime les Morts, il y a cette autre poésie de la langue, aussi certaine en prose, quoique différente, que la poésie de l’idée et des vers. […] Les Dévotes ; J’aime tes morts ; Histoire du feu, écrite par une bûche (Pays, 10 mai 1862).
Même au point de vue particulier de l’histoire naturelle, il serait difficile de les condamner, tant il y a analogie et harmonie dans toutes les parties de leur être ; en un mot, la ligne de suture, le point de jonction entre le réel et le fantastique est impossible à saisir ; c’est une frontière vague que l’analyste le plus subtil ne saurait pas tracer, tant l’art est à la fois transcendant et naturel37. […] Hideuses et froides, ces caricatures ne manquent pas de cruauté, mais elles manquent de comique ; pas d’expansion, pas d’abandon ; le grand artiste ne s’amusait pas en les dessinant, il les a faites en savant, en géomètre, en professeur d’histoire naturelle. […] D’ailleurs, je remarque que le contraire se présente fréquemment dans l’histoire, et que les artistes les plus inventifs, les plus étonnants, les plus excentriques dans leurs conceptions, sont souvent des hommes dont la vie est calme et minutieusement rangée. […] Je ne puis le comprendre ni en déterminer positivement la raison ; mais souvent nous trouvons dans l’histoire, et même dans plus d’une partie moderne de l’histoire, la preuve de l’immense puissance des contagions, de l’empoisonnement par l’atmosphère morale, et je ne puis m’empêcher de remarquer (mais sans affectation, sans pédantisme, sans visée positive comme de prouver que Brueghel a pu voir le diable en personne) que cette prodigieuse floraison de monstruosités coïncide de la manière la plus singulière avec la fameuse et historique épidémie des sorciers.