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533. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Un fils plus heureux, M.  […] Ce fut lui qui chercha l’occasion de m’en parler en me faisant remarquer, combien pouvait être douce et heureuse l’existence d’un curé qui sait ménager les convenances. […] S’il appartient au xixe  siècle d’être plus heureux, et de la ressusciter par un suprême effort, ce n’est point ici ce qui m’occupe ; j’ai seulement à montrer ce qu’était devenue une Chartreuse à la fin du xviiie  siècle, bien différente de celle que Fontanes célébrait vers le même temps en des vers mélancoliques, pour l’avoir vue vaguement du côté du jardin et au clair de lune. […] Le parent de Merlin, dom Barthélemy Effinger, dont la principale occupation consistait à recevoir les hôtes, se trouve très heureux de s’adjoindre le jeune arrivant pour l’aider dans cet office.

534. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Heureuse autant qu’on pouvait l’être après une première existence très éprouvée, elle savait au fond ce que vaut la plus idéale des félicités humaines. […] Je déteste la vie, qui m’est odieuse, et je serais trop heureuse de finir une carrière dont je suis déjà fatiguée, depuis dix ans, par les circonstances terribles dont nous avons été témoins ; mais je la supportais, ayant avec moi un être sublime qui me donnait du courage. […] Il est heureux, il a fini de voir tant de malheurs ; sa gloire va augmenter : moi seule, je l’ai perdu ; il faisait le bonheur de ma vie. […] Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout prix des mensonges, ni qu’on leur crée des existences fabuleuses et plus belles qu’elles ne l’ont été de leur temps ; mais quand je rencontre quelque part, dans un passé encore voisin de nous et si aisé à vérifier, de ces vies paisibles, ornées, décorées de grâce et de courtoisie, et jalouses d’en répandre le reflet autour d’elles ; quand, au milieu de cet envahissement comme forcené d’ambition, d’activité et d’industrie qui nous pousse et nous déborde en tout genre, je découvre, en me retournant, une île enviable et fortunée, une oasis d’art, de littérature, d’affection et de poésie, je demande qu’on n’en diminue pas le tableau à mes yeux sans de bonnes et fortes raisons, et que ceux qui sont dignes d’apprécier ce cercle heureux et de le peindre nous le rendent, ainsi que la noble figure qui y préside, avec tout le charme qui s’y attachait réellement, et dans un miroir non terni, dans une glace pure, unie et fidèle.

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