Et qu’y a-t-il de plus propre que l’étude à nous consoler, à nous instruire, à nous rendre meilleurs et plus heureux ? […] Digne imitateur de ce poète, qui exhortait les Romains à jeter dans la mer tout leur argent pour être parfaitement heureux, venez-vous nous conseiller, pour être plus heureux aussi, de mettre le feu à nos bibliothèques ? […] Interrogeons-le au milieu de ses méditations et de ses livres ; sachons de lui s’il est heureux, et offrons-lui, s’il est possible, les moyens de l’être. […] Que de moyens d’être heureux sans avoir besoin de personne ! […] J’envierais le bien-être dont ils jouissent, s’il n’était pas fondé sur la sottise et l’orgueil ; mais ce genre de félicité me paraît trop fade, et je sens que je ne veux point être heureux à ce prix-là.
Section 2, du génie qui fait les peintres et les poëtes Je conçois que le génie de leurs arts consiste dans un arrangement heureux des organes du cerveau, dans la bonne conformation de chacun de ces organes, comme dans la qualité du sang, laquelle le dispose à fermenter durant le travail, de maniere qu’il fournisse en abondance des esprits aux ressorts qui servent aux fonctions de l’imagination. […] Mais la fermentation du sang la plus heureuse ne produira que des chimeres bizarres dans un cerveau composé d’organes, ou vicieux ou mal disposez, et par consequent incapables de représenter au poëte la nature, telle qu’elle paroît aux autres hommes. […] Lorsque la qualité du sang est jointe avec l’heureuse disposition des organes, ce concours favorable forme, à ce que je m’imagine, le génie poëtique ou pittoresque ; car je me défie des explications physiques, attendu l’imperfection de cette science dans laquelle il faut presque toûjours déviner. […] J’imagine donc que cet assemblage heureux est, physiquement parlant, cette divinité que les poëtes disent être dans leur sein pour les animer. […] Heureux les peintres et les poëtes, qui ont plus d’empire sur leur génie que les autres, qui sortent de leur enthousiasme en quittant le travail, et qui n’apportent point dans la societé l’yvresse du Parnasse.