Tant que Strasbourg n’était pas déclarée une cité française, des affinités naturelles de tout genre et des habitudes invétérées la rattachaient instinctivement à l’Allemagne ; la France, en chaque occasion douteuse, devait avoir, à son sujet, des motifs légitimes de plainte et des griefs sans cesse renaissants. […] La capitulation si aisée de Strasbourg avait mis en gaieté Louis XIV ; lui, si grave dans l’habitude, il lui échappa de faire une plaisanterie sur son heureux ministre qui, cette fois, avait tout conclu sans lui et n’avait pas eu besoin de sa présence.
Il s’est donc attaché à notre grand tragique, et il s’est complu à démontrer en lui une âme et une intelligence essentiellement historique, pleine de prévisions et de divinations : non qu’il ait jamais supposé que le vieux poète, en s’attaquant successivement aux divers points de l’histoire romaine pendant une si longue série de siècles, depuis Horace et la fondation de la République jusqu’à l’Empire d’Orient et aux invasions d’Attila, ait eu l’idée préconçue d’écrire un cours régulier d’histoire ; mais le critique était dans son droit et dans le vrai en faisant remarquer toutefois le singulier enchaînement qu’offre en ce sens l’œuvre dramatique de Corneille, et en relevant dans chacune de ses pièces historiques, même dans celles qu’on relit le moins et qu’on est dans l’habitude de dédaigner le plus, des passages étonnants, des pensées et des tirades dignes d’un esprit politique, véritablement romain. […] Ces paroles et ces pages, pleines d’impartialité et d’élévation, ces preuves de bonne et loyale critique, faites par un des écrivains bien informés qui vivent en présence de l’étranger et qui ont à soutenir tout le poids des objections, mériteraient d’être appréciées chez nous plus qu’on ne le fait d’habitude : nous n’écoutons guère sur nous et les nôtres que ce qui se dit de près, et aussi ce qui nous flatte.