Ce dont on peut être bien persuadé, c’est qu’aujourd’hui l’Œdipe est la tragédie de Voltaire qu’on écoute avec plus d’intérêt, et que l’on applaudit davantage : mon habitude des spectacles m’a mis à portée de vérifier le fait. […] Rien ne dessèche et n’endurcit l’âme, rien ne flétrit le cœur comme l’habitude de contempler les objets les plus effroyables, les plus terribles attentats de la rage et de la scélératesse humaine. […] On ne se figure pas à quel point l’habitude d’entendre des vers pleins, un dialogue juste, des sentiments vrais, dégoûte des hémistiches lâches et prosaïques, des faux brillants et du pathétique romanesque. […] Voltaire avait cependant l’habitude commode de les employer de cette manière : Je vois dans l’Orient cent rois vaincus par elle. […] Ces habitudes d’histrion convenaient à sa papauté philosophique ; bien loin de se déshonorer en criant, en gesticulant sur la scène, il gardait alors parfaitement son caractère et le décorum de son état.
Les critiques dont je parle plus haut n’ont, certes, rien d’une pareille humeur, mais seulement l’habitude, insupportable, de faire bon marché de la Poésie en soi. […] Mais un mauvais exemple que Buffon donna à Lebrun, ce fut cette habitude de retoucher et de corriger à satiété, que l’illustre auteur des Époques possédait à un haut degré, en vertu de cette patience qu’il appelait génie. […] On lui reprochait d’avoir quitté, après cette tragédie, le noble et sévère langage traditionnel, pour se faire des habitudes de style singulières.