Ce qu’on appelle le roman de Renart 75 est une collection assez disparate de narrations versifiées qui, sans suite ni lien, se rapportent à un principal héros, Renart le goupil, dont l’identité personnelle fait la seule unité du poème. […] Ce n’est plus le lion, ni le loup, ni le goupil, l’animal en soi, résidu incolore de multiples sensations qui se sont compensées et neutralisées en se superposant : c’est Noble, c’est Ysengrin, c’est Renart, des individus, des héros d’épopée, aussi réels, aussi vivants que les Roland et les Guillaume. […] C’étaient des contes, sans prétention et sans intention autre que d’amuser, qui racontaient les actions, les luttes, les méfaits et les malheurs des animaux : de ces contes, dont les premiers éléments remontaient aux plus lointaines origines des peuples européens ; les uns venaient de l’Orient, comme ceux où figure le lion, d’autres venaient du Nord, comme ceux dont l’ours était avant le loup, le primitif héros. […] Renart, le héros de toute l’œuvre, ce génie malfaisant, est glorifié en somme parce qu’il sait éluder les conséquences de ses méfaits.
Mais enfin l’amour fait le principal intérêt des histoires qu’il écrit ; l’amour y inspire des actions extraordinaires, et ses héros et ses héroïnes sont les plus distingués que puisse concevoir l’imagination des femmes et dos adolescents. […] montrez-nous une héroïne qui ne soit pas splendidement belle et mirifiquement intelligente ! […] A parler franc, Monsieur de Camors est un roman contradictoire si l’on considère la thèse dont il est la prétendue démonstration ; mais je me hâte de dire que, si cette thèse était éliminée, si le héros de ce dramatique récit nous était donné pour ce qu’il est, à savoir pour une âme tendre et faible aux prises avec une doctrine de dilettantisme absolu trop forte pour elle, et qui inflige à son programme de vie de continuels et douloureux démentis, j’aimerais beaucoup Monsieur de Camors.