Il y a eu certainement dans notre siècle, malgré les guerres persistantes et malgré l’âpreté de la lutte pour la richesse, un amollissement des cœurs et un certain progrès de la bonté. […] Et quand je remonte plus loin dans le passé sombre, quand je me rappelle toutes les tortures que des hommes ont fait subir à d’autres hommes ; quand j’essaye de me figurer des choses comme la guerre des Albigeois, les autodafés de l’Inquisition ou la répression des Pays-Bas par le duc d’Albe, que je me les représente dans leur détail et dans leur vérité vivante, je me sens traversé par le grand frisson d’horreur dont est secoué Michelet dans son Introduction à l’Histoire de la Révolution, et je ne puis, comme lui, que balbutier. « Je hais cruellement la cruauté », dit Montaigne, faisant une pointe. […] ceci : La guerre éclate entre Rome et Albe, c’est-à-dire entre deux villes jusqu’alors amies et liées par des mariages et des parentés. […] Nous nous souvenons des grandes guerres, et de l’homme extraordinaire qui nous a fait tant de mal, mais qui nous a apporté tant de gloire ; et nous redevenons peuple à la vue de sa silhouette légendaire, mi-héroïque et mi-grotesque, dominant les mêlées sanglantes où s’élabore l’Histoire mystérieuse.
Et, de 1741 à 1749, il écrit des épitres en vers, la Dissertation sur la musique moderne, le Projet concernant de nouveaux signes pour la musique, une petite comédie intitulée les Prisonniers de Guerre, l’opéra des Muses galantes, le Persifleur, premier numéro d’un écrit périodique qui n’eut pas de second numéro, l’Allée de Sylvie, l’Engagement téméraire, comédie en trois actes, en vers ; et j’en passe. […] (Raison plaisante : le pauvre Jean-Jacques n’était pas en amour un tel foudre de guerre.) — Enfin, dit-il : A cela se mêlaient des réflexions relatives à ma situation, à mon devoir, à cette maman si bonne6, si généreuse, qui, déjà chargée de dettes, l’était encore de mes folles dépenses, qui s’épuisait pour moi et que je trompais si indignement. […] Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ! […] La lutte devient atroce. — Alors les riches et les habiles proposent d’établir un gouvernement et des lois « dans l’intérêt de tous ». — Alors naissent les cités et les États. — Alors éclatent les guerres nationales. — Alors les peuples choisissent des chefs pour défendre leur indépendance. — Alors le chef devient tyran. — Déclamation sur la liberté (que l’homme n’a jamais le droit d’aliéner). — Déclamation contre le despotisme […] En un mot, je ne vois pas de milieu supportable entre la plus austère démocratie et le hobbisme le plus parfait ; car le conflit des hommes et des lois, qui met l’État dans une guerre intestine continuelle, est le pire de tous les états politiques.