Il n’a guère que des idées particulières et locales, qu’il exprime pour un moment dans une langue qui change tous les jours. […] L’écrivain qui jouit tout seul de son esprit n’est guère plus considéré et estimé qu’un oisif, dans une société où tout le monde travaille. […] Les figures, les métaphores, sont des pièges du même genre, et dont il n’est guère plus facile de se garder.
Cet enjouement était dans le caractère du jeune Rabelais et son humeur joviale ne lui avait guère moins fait d’amis dès ce temps-là, que sa réputation de savoir et une mémoire immense, capable de recevoir et de garder tout ce que pouvait apprendre homme vivant. […] Il n’est guère de sujet dans lequel il n’ait vu ou indiqué la vérité qui était à dire ; mais comme si ce peu de sagesse le fatiguait, à peine sa raison commence-t-elle à s’intéresser à son objet, qu’il l’en détourne brusquement et, soit par une malice délibérée, soit par cet emportement qui lui est propre, il étouffe cette lueur sous un amas de folles imaginations. […] que prouve cette renommée de mystificateur, sinon que l’humeur joyeuse qui déborde dans l’écrivain a été le caractère même de l’homme, et que Rabelais n’a guère moins ri lui-même qu’il n’a fait rire de ses écrits ?