« La veille du jour où Benjamin Constant devait prononcer son discours, j’avais chez moi Lucien Bonaparte, MM… et plusieurs autres encore, dont la conversation, dans des degrés différents, a cet intérêt toujours nouveau qu’excitent et la force des idées et la grâce de l’expression. […] On croirait qu’un homme si utile par son ardeur militaire à la puissance de Bonaparte devait avoir sur lui le crédit de le faire épargner une femme ; mais les généraux de Bonaparte, tout en obtenant de lui des grâces sans nombre pour eux-mêmes, n’ont aucun crédit. […] Frappée inopinément dans sa sécurité, dans sa liberté, dans sa gloire, madame de Staël implora pour toute grâce une prolongation de huit jours pour se préparer à cette transplantation de son existence. Napoléon avait dit à ceux qui lui demandaient grâce pour une femme : « Cette femme monte les esprits dans un sens qui ne convient pas à mes vues ; je ne sais comment il se fait que, quand on l’a lue, on m’aime moins. » L’exécuteur impassible de ses rigueurs, Savary, ajouta, dans la lettre qu’il répondit à madame de Staël, l’humiliation à la douleur. […] L’esprit de société est cependant très-favorable à la poésie de la grâce et de la gaieté dont l’Arioste, La Fontaine, Voltaire sont les brillants modèles.
Ils vous parleront de sa grâce, même dans ses colères ; de sa sensibilité éolienne, de sa souplesse, de sa morbidesse, de son intuition parfois divinatoire, et de ses égarements aussi, de ses beaux désordres, comme on dit des femmes et des odes, et surtout et toujours de sa fascination, car il en a, la malheureuse ! […] Grâce à ce livre qui parlait aux plus mauvaises et aux plus ignorantes passions d’une époque viciée, il recruta autour de sa chaire un public qui lui donna le vertige, — en l’applaudissant. […] Jésus-Christ), entre l’injuste Dieu qui sauve les élus, ceux qu’il aime et qu’il préfère, les favoris de la grâce, et le dieu de justice, le dieu de la révolution, duquel dérive une société juste, démocratique, égale (c’est le paradis de la Sociale avec l’abolition de l’enfer) ! Il faut confesser l’un ou l’autre, ou reculer dans le passé, comme l’Empire l’a fait franchement, ou suivre la voie révolutionnaire contre la théologie arbitraire de la grâce et du privilège, et mettre en tête de la loi le nom du Dieu nouveau : Justice. » La Révolution l’y mit en effet, mais en lui donnant une sanction permanente et active : le couperet de Guillotin. […] Ses Femmes chrétiennes sont les femmes de l’Évangile, la Chananéenne, la femme malade, la fille de Jaïre, la femme adultère, la veuve de Naïm, la Samaritaine, Madeleine, Marthe, Marie, les saintes femmes au tombeau, etc., créatures de grâce ou de conversion, d’humilité et de repentance, ces perles dont l’écorce était l’amour de Dieu, les premières que l’Église propose à nos imitations !