Toute la lettre dont je parle est d’un style bien net, bien franc, bien adapté ; l’expression déjà prend et serre exactement la pensée : c’est une des grâces du vicomte de Launay. […] Si on laisse de côté certains traits lancés à satiété et sans bonne grâce contre les gens qu’elle a pris en déplaisance (contre une certaine dame des sept petites chaises, par exemple, qui revenait sans cesse comme souffre-douleur et comme victime), le feuilleton créé par Mme de Girardin, en 1836, sous le titre de Courrier de Paris, était piquant, léger, gai, paradoxal et pas toujours faux.
Lorsque mes vestes de basin lui étaient renvoyées, elle regardait vite si la chaîne d’argent qui suspendait la croix avait noirci ma boutonnière ; et, lorsqu’elle y voyait cette marque de mon triomphe, toutes les mères du voisinage étaient instruites de sa joie ; nos bonnes religieuses en rendaient grâces au ciel ; mon cher abbé Vaissière en était rayonnant de gloire. […] Navarre, receveur des tailles à Soissons, était, nous dit un homme non amoureux (Grosley), la plus brillante partie de sa famille ; elle visait au grand, à l’extraordinaire, et se fit aimer du maréchal de Saxe : « La beauté, les grâces, les talents, un esprit délicat, un cœur tendre, l’appelaient à cette brillante conquête… Sa conversation était délicieuse70. » Marmontel nous la montre de plus imprévue, capricieuse, avec plus d’éclat encore que de beauté : « Vêtue en Polonaise, de la manière la plus galante, deux longues tresses flottaient sur ses épaules ; et sur sa tête des fleurs jonquille, mêlées parmi ses cheveux, relevaient merveilleusement l’éclat de ce beau teint de brune qu’animaient de leurs feux deux yeux étincelants. » C’est cette amazone, cette belle guerrière qui, sacrifiant l’illustre maréchal au jeune poète, enleva un matin Marmontel à ses sociétés de Paris et le transporta d’un coup de baguette dans sa solitude d’Avenay, où elle le garda plusieurs mois enfermé au milieu des vignes de Champagne comme dans une île de Calypso.