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483. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Alors le ministre prend la parole, et prononce un discours, comme jamais il n’en a été prononcé par un ministre décorant un homme de lettres, se défendant d’être là, comme ministre, et me demandant presque humblement de la part du gouvernement, la faveur de me laisser décorer. Et ici, en laissant ma personne de côté, il est bon de constater que jusqu’ici, les hommes du gouvernement ont donné de très haut, la croix aux hommes de lettres et aux artistes, et que c’est la première fois, qu’ils ont l’air de s’honorer de la croix donnée par eux, à l’un de nous. […] Dans une démocratie qui vit de liberté, et que féconde la variété des inspirations individuelles, le gouvernement n’a rien à édicter, rien à diriger, rien à entraver ; il n’a qu’à remplir, s’il le peut, et comme il le peut, un rôle discret d’amateur clairvoyant, respectueux des talents sincères, des belles passions et des volontés généreuses. […] « Le gouvernement se devait à lui-même, mon cher maître, de s’incliner devant votre existence et devant votre œuvre ; et, si indifférent que vous soyez aux attestations officielles, il a pensé que vous ne refuseriez pas une distinction, que vous n’avez jamais sollicitée, que pour d’autres. […] Là-dessus Mme Daudet dit — et elle est dans le vrai — que cela vient de ce que, lorsqu’un républicain rouge ou un juif a fabriqué un de ces petits traités, le gouvernement veut, aussitôt, lui faire cadeau de la vente d’une dizaine de mille d’exemplaires.

484. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Du moment où il y a un gouvernement, l’art ne peut échapper à l’influence de ce gouvernement, quel qu’il soit ; car le gouvernement tient d’une main les faveurs qui poussent en avant, de l’autre les rigueurs qui rejettent en arrière. Pour que l’art prospère dans un empire, dans un royaume ou dans une république, il faut que le chef du gouvernement, empereur, roi ou consul, aime l’art ou fasse semblant de l’aimer. […] Le roi Louis-Philippe ne les aime ni ne les craint ; c’est un des progrès les plus sensibles du gouvernement constitutionnel. […] Seulement, la chose était pressée ; la Revue de Paris devait entrer incessamment en retraite, la pauvre fille n’ayant pas trouvé, comme sa sœur aînée, à se marier avec le gouvernement.

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