ce n’est pas nous qui jetterons la pierre au seul gouvernement qui convienne à la Russie actuelle, nous savons trop ce qu’il doit entrer nécessairement de despotisme dans l’éducation des peuples enfants ; nous voulons seulement constater, dans notre limite de critique littéraire, pourquoi il n’y a pas d’histoire en Russie. […] L’historiographie n’est qu’une chancellerie de plus à établir sous la main d’un gouvernement qui peut tout et pénètre partout, et surveillerait jusqu’à la chronique de Grégoire de Tours s’il pouvait y avoir un Grégoire de Tours dans les monastères de Moscou. […] … Analysez donc cet empire singulier, inachevé et vieux déjà, vous ne trouverez en bas que les hordes des Ivans dont les tentes, fichées dans la terre, ne se lèvent plus et sont des villes, et en haut des individualités européennes qui, par le cerveau de Pierre Ier ou de Catherine II, ont pensé un gouvernement comme l’aurait pensé Montesquieu. […] Les livres russes, comme les hautes classes russes, comme le gouvernement russe, comme tout ce qui tient en Russie au développement quelconque de l’intellectualité, recherchent avec trop d’empressement le joug de l’idée européenne pour avoir la force de le secouer et de le rejeter.
Dès lors, toute attaque dirigée contre la religion catholique apportait dans les conditions d’existence de la société française une perturbation que le gouvernement ou la société si le gouvernement passait à l’ennemi, comme, par exemple, dans le cas de la royauté protestante d’Henri IV, avait le droit et le devoir de réprimer comme un attentat… » Très certainement, rien n’est plus vrai et d’une vérité plus élémentaire, mais rien aussi n’est d’une vérité plus impuissante sur la masse des esprits, qu’une telle affirmation, et cela en raison de sa clarté et de sa simplicité même. […] … La doctrine insensée, qui est l’inféodation d’une société aux fautes et aux crimes de ses gouvernements, n’a jamais pu tenir nulle part, même en France, devant ces faits et devant l’histoire. […] Toujours il fut dans l’histoire de ce pays un moment suprême où l’indignité des gouvernements proclama la vacance du trône par la bouche même qui avait le droit de la proclamer, par cette voix du peuple et de l’Église qui avait fait le peuple ce qu’il était, et qu’au Moyen Âge on appelait justement, pour cette raison, la voix de Dieu !